C’est une Abir Moussi en forme, énergique et déterminée qui a, pendant un peu plus de 14 minutes, passé au crible le processus de formation du gouvernement par Hichem Mechichi et l’issue peu réjouissante de la naissance de gouvernement. Madame Moussi n’a pas démérité son titre du «scanner politique» que lui réservent ses supporteurs.
Par Imed Bahri
C’est face à Hichem Mechichi, qui l’écoutais religieusement et les yeux dans les yeux, que la présidente du Parti destourien libre (PDL) a déployé son argumentaire en commençant par rappeler la situation très précaire dans laquelle la Tunisie s’est enfoncée dès le début de cette législature. «Cette législature a été inaugurée le 13 novembre 2019, aujourd’hui cela fait exactement 9 mois et 17 jours qu’elle a débuté et c’est le troisième vote de confiance à un gouvernement. Votre gouvernement passera mais il n’aura pas un avenir meilleur que les précédents. Dans cette ère heureuse, dans le cadre de la meilleure Constitution au monde et dans cette décennie de l’anarchie et de l’instabilité, nous sommes passés d’une moyenne d’un gouvernement par an à celle d’un gouvernement tous les trois mois, ce qui en dit long sur la capacité de réussite de ce gouvernement.»
Mechichi otage de l’alliance islamo-affairiste
Abir Moussi n’a pas caché sa déception et son amertume ainsi que celle de sa formation politique car M. Mechichi a dévoyé le processus de formation de son gouvernement; il s’est égaré de ce qu’il a annoncé et de ce qu’il a tracé lui-même. Au départ, il disait qu’il avait fait le choix d’un gouvernement complètement indépendant, un choix qu’il ne lui a pas été imposé et qui, rappelons-le, a été très critiqué par la partitocratie tunisienne. Abir Moussi a insisté sur ce terme «complètement» indépendant disant qu’il est utilisé au début des concertations par M. Mechichi qu’il a rapidement délaissé. Elle a insisté sur le fait qu’il a capitulé face aux pressions du dernier quart d’heure. «Vous sortirez ce soir chef de gouvernement mais vous avez payé un lourd tribut», lui a-t-elle asséné avant de poursuivre: «D’abord vous avez perdu votre crédibilité, ensuite vous entrez en fonction faible, ce que tout le monde a déjà constaté. Une faiblesse qui s’est traduite d’abord par le cafouillage entre les deux Kamel, Doukh et Om Ezzine, tous deux candidats au poste de ministre de l’Equipement, finalement le choix de Saïed a prévalu. Ensuite, deuxième expression de la faiblesse, l’épisode Walid Zidi».
Rappelons que cet épisode avait décrédibilisé M. Mechichi devant toute la Tunisie par M. Saïed qui a reçu M. Zidi et l’a conforté dans le choix de sa nomination en tant que ministre de la Culture alors que Mechichi avait annoncé, quelques heures auparavant, qu’il allait le remplacé après le rétropédalage de ce dernier.
«Vous auriez pu entrer dans l’Histoire en tant que jeune tunisien, produit de l’administration tunisienne, de l’Etat nation bourguibien et de l’ascenseur social, en étant le sauveur de la Tunisie mais vous avez raté cette occasion». Elle a poursuivi: «Nous allons vous suivre et vous observer. Nous serrons comme à l’accoutumé l’opposition constructive».
Puis, chiffres à l’appui, Abir Moussi a attaqué le volet économique en passant en revue la situation catastrophique des finances publiques en insistant particulièrement sur l’endettement dangereux de la Tunisie. Elle a reproché à M Mechichi l’absence de la planification dans son projet: «Où est la planification dans le pôle économique que vous avez créé ?» Puis, revenant sur l’intention de Mechichi d’attirer les investisseurs étrangers, elle lui a dit comme pour dire que les vœux pieux ne servent à rien: «Comment allez-vous attirer l’investissement étranger ?» dans l’état actuel d’instabilité et de gabegie dans le pays. Et de Mme Moussi de conclure par une promesse qui sonne conne un avertissement adressé à ses adversaires de toujours: «Nous ne vous laisserons pas la proie des Khwenjia (Frères Musulmans). Nous serons là.»
Moussi surnomme Ghannouchi «le président des bulletins annulés»
Innovation de cette rentrée le nouveau surnom donné par la présidente du PDL à Rached Ghannouchi, «le président des bulletins annulés», clin d’œil aux bulletins sciemment annulés lors de la séance consacrée à la destitution de Ghannouchi qui n’avait pas abouti. Elle ne l’appelle plus que par ce surnom.
Le scanner politique d’Abir Moussi aurait pu devenir un IRM si elle avait évoqué la situation brûlante et intenable à El-Kamour, où les saboteurs des compagnies pétrolières et gazières menacent l’Etat de ruine et le menacent même dans son existence surtout que Mme Moussi est présidente de la commission des de l’Énergie et des mines à l’Assemblée. Le courage politique de Mme Moussi a-t-il des limites?
Donnez votre avis