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Djerba et l’affront de trop

Mechichi à l’aéroport Djerba-Zarzis.

L’attitude de Hichem Mechichi lors de son passage, le weekend dernier, à Djerba sur son chemin pour Ben Guerdane, et sa «réponse» à un journaliste local concernant le suivi du dossier «Djerba 25e gouvernorat» ont été très mal accueillies par la population de l’île. L’attitude du chef du gouvernement, hautaine et désinvolte, a été perçue comme une énième humiliation pour les Djerbiens.

Par Fathi Ben Hamidane *

Décidément, Djerba a depuis longtemps été, et continue d’être, le parent pauvre de la Tunisie. Que ce soit la Djerba pré-révolution ou la Djerba post-révolution.

Depuis de très longues années, l’île située au large des côtes sud-est de la Tunisie ne cesse de subir injustice et mépris. Dernier geste de mépris et dernière insulte à l’intelligence des habitants de l’île: la déclaration et l’attitude du chef du gouvernement, Hichem Mechichi, en marge de sa visite à Ben Guerdane – via Djerba – qui ont profondément choqué les Djerbiens et blessé leur amour propre et leur dignité.

En effet, sa réaction, en réponse à la question qui lui a été posée concernant le suivi du dossier «Djerba 25e gouvernorat», a été ressentie par tous comme l’humiliation de trop. Où en est la Tunisie nouvelle avec les droits humains, les droits du citoyen et le respect de la constitution?

Un choc et une grande déception

Par ailleurs, le fait de ne pas prononcer le moindre mot sur un événement d’une importance capitale, pour la Tunisie et Djerba, que l’île s’apprête à vivre prochainement et attend avec un vif intérêt, à savoir la tenue du 18e Sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), a été à la fois un choc et une grande déception. La réaction pour le moins inacceptable, venant du sommet de l’Etat, a suscité l’émoi et l’indignation. Pouvait-il en être autrement?

Voici, brièvement, un rappel de quelques vérités, récentes et moins récentes sur Djerba et le Djerbien…

Pendant trop longtemps le Djerbien a été perçu comme un citoyen modèle, pacifiste, travailleur et discipliné, mais qu’ont obtenu en échange le Djerbien et l’île de Djerba, cette destination touristique de renommée mondiale qui constitue une manne financière considérable pour l’Etat et un élément non-négligeable dans le développement économique du sud-est tunisien ?

Le Djerbien dès qu’il bouge pour revendiquer un droit quelconque se voit tout de suite répondre que le Djerbien est riche et nanti, qu’il a tout et n’a besoin de rien.

Les maux dont souffrent Djerba

Ceux qui tiennent ce langage ignorent véritablement les maux dont souffrent Djerba et ses habitants depuis de longues décennies du fait de son insularité et sa dépendance totale du gouvernorat de Médenine… pour rester dans le politiquement correct!

Ils oublient aussi que l’île est en proie à un gros problème qui perdure : le traitement des déchets et la protection de l’environnement, résultant d’un manquement évident et d’une gestion déplorable de la part du gouvernorat de Médenine.

Ils oublient aussi, sans doute, que l’habitant de l’île se voit obligé de se rendre à Médenine pour la moindre démarche administrative. Il perd facilement une journée entière, sans parler des allers-retours habituels indûment imposés et les caprices récurrents des bacs assurant la liaison entre l’île et le continent.

Ils oublient probablement que l’hôpital du chef-lieu du gouvernorat a refusé de recevoir et de soigner des patients transférés de Djerba, sous les cris de «Covid Djerba dégage».

Ignorent-ils que c’est la société civile locale qui s’est elle-même mobilisée pour collecter les fonds nécessaires à la création d’une unité Covid à l’hôpital régional de Houmt Souk et que les autorités régionales et nationales se sont illustrées par leur absence lors de la cérémonie d’inauguration? Il serait peut-être bon aussi de rappeler, dans le même contexte, que le projet de lancement d’une unité de secours urgents (SAMU- SMUR) a enfin pu voir le jour, et là aussi grâce à une initiative individuelle et des efforts inlassables au départ et le soutien de la société civile par la suite, l’aide de l’autorité centrale ayant été, une fois de plus, bien timide.

Savent-ils que l’état de l’île sur le plan des infrastructures est lamentable ? Les routes sont en piteux état, la gestion des bacs est une honte pour Djerba et pour toute la région et le port de plaisance de la Marina est une offense à l’esthétique et au bon goût. En réalité, il est à la fois port de plaisance, port commercial, port de pêche et port d’attache pour les grands bateaux desservant l’île aux flamants roses.

Ils oublient en outre qu’un nombre considérable de familles djerbiennes ont été dépossédées de leurs terres au début de l’ère du tourisme dans les années soixante-dix.

Ils oublient encore que, contre toute logique et contre tout bon sens, l’aéroport de Djerba Mellita est toujours appelé aéroport Djerba-Zarzis alors que le port commercial de Zarzis conserve, et défend crânement, son nom de «port commercial de Zarzis». Allez comprendre le pourquoi du comment!!! Régionalisme djerbien dites-vous ?

Est-ce du régionalisme et du misérabilisme que de dire trop c’est trop?

* Ancien fonctionnaire international et enseignant universitaire.

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