Poète né en 1951 à Gabès, en Tunisie, Tahar Bekri écrit en français et en arabe. Vivant à Paris depuis 1976, il a publié une trentaine d’ouvrages (poésie, essais, livres d’art). Sa poésie est traduite dans diverses langues et fait l’objet de travaux universitaires.
Maître de conférences honoraire à l’Université de Paris-Nanterre, il a reçu, entre autres distinctions, le Prix de Rayonnement de la langue et de la littérature françaises de l’Académie Française, 2019.
Dernières publications : ‘‘Désert au crépuscule’’ (éd. Al Manar, Paris, 2018) et ‘‘Le Livre du souvenir’’ (éd. Elyzad-Poche, Tunis, 2016). À paraître : ‘‘Par-delà les lueurs’’. Mahmoud Darwich en mémoire
J’embaumais collines et plaines
Nourri de l’éclat de la lumière
Et tenais compagnie aux pas des errants
Dans le sacre de la terre
Tous ces dômes clochers et temples
Offrandes pour mille prières
Cette pluie soudaine pour mêler
Mes fragrances à l’endurance des pierres
Toujours aux aguets des fissures béantes
Les roches retenant mes chutes
Au crépuscule des siècles qui se couchent
Dans la fosse de l’Histoire
Je t’aimais rumeur de la mer si près
Qui consolais mes frémissements
Alliés aux flûtes bercées par les oliviers solaires
Ils sont venus de nuit avec leurs chars
Reptiles aux chenilles aiguisées raser mes brins
Piliers du songe bâti comme une rivière
Et je vous revois enfants brûlés au phosphore
Les cendres noircies par les nuages blanchis
De sang et de lâche poussière
Sous les ciels blessés par le plomb durci
Les hôpitaux saignés par cent obus
Les écoles comme des cimetières
Et je n’oublie la course du vent
Pour éteindre vos torches sans génie
Comment prétendre que le fusil se cache
Dans la farine les fusées dans la cuisine
Quand les lits sont éventrés sur les corps
Endormis les seuils souillés par l’infamie
Comment ne pas vous voir chauves-souris
Dans la cécité de la nuit
Bottes conquérantes qui marchent sur mes étés
Lavés de citronniers séculaires
Comment ne pas vous reconnaître corbeaux
Dans les drones sans cerveaux
Et l’hiver couvert par les pleurs des sirènes
Les maisons comme des tombes sans sépultures
Parmi les cris sombres parmi les décombres
Je consolais les étoiles réveillées en sursaut
Affolées par les traînées de vos poudres
Mes feuilles tendres martyres de vos incendiaires
Je vous le dis le thym c’est pour parfumer
Le pain à l’huile d’olive pétri de mes feux
Non pour allumer les brasiers
Ni le romarin compagnon de mes cyprès
Ni l’eau détournée de sa source
Ne pardonneront à votre mémoire ses trous
Je vous le dis le thym c’est pour les chemins
Augustes et fiers non pour les vautours
Le thym c’est pour le repos des oiseaux
Libérés de leur peur et de leur détresse
Non pour affamer les arbres et les nids
Non pour punir les mères et leurs berceaux
Je vous défie hyènes et vous casques
Le thym même cerné par le Mur
Percera la mer le ciel et la terre
Tant d’armées pour une herbe
Ne pourront empêcher mes arômes
D’être dédiés aux humains à bras ouverts
Extrait de ‘‘Salam Gaza’’ (Ed. Elyzad, Tunis, 2010).
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