Limogé mardi dernier, Pr Faouzi Mehdi, issu de la direction de la Santé militaire, a décidé de sortir de son silence ce jeudi 22 juillet 2021, en publiant un statut, où il revient sur la période durant laquelle il a été à la tête du ministère de la Santé et notamment sur l’incident des Journées portes ouvertes pour la vaccination : «Les tentatives de sous-estimer le travail des professionnels de la santé m’ont obligé de sortir de mon silence. C’est une décision difficile pour ceux qui, comme moi, ont grandi dans une institution qui vénère le silence et le considère comme l’un des piliers de sa réussite au service du pays, des citoyennes et des citoyens».
C’est via les médias, que Faouzi Mehdi avait appris, il y a deux jours, son limogeage par le chef du gouvernement Hichem Mechichi, expliqué par l’organisation de Journées portes ouvertes pour la vaccination contre le coronavirus, durant les jours de l’Aïd, et qui ont causé un encombrement dans certains centres du pays et que le chef du gouvernement avait qualifié de «goutte d’eau qui a fait déborder le vase», tout en affirmant «ne plus reconnaître le ministère de la Santé», où il dit avoir relevé «beaucoup de cafouillages et de dysfonctionnements et ce depuis la prise de fonctions du Pr Mehdi».
L’ancien ministre a donc décidé de revenir sur cet incident et sur toute la période qui a précédé et selon son texte publié, cet après-midi, le ministère avait programmé de donner un repos aux professionnels de la santé et aux bénévoles des centres de vaccination durant les jours de l’Aïd , «mais suite à des pressions de la Kasbah jusqu’à la nuit de l’Aïd, il a finalement été décidé d’ouvrir des centres de vaccination»….
«Nous avons coordonnés avec les directeurs régionaux, puis, tout au long de la journée du lundi, nous avons communiqué avec le conseiller du chef du gouvernement chargé du dossier du coronavirus et son conseiller en charge de la coordination avec la société civile, et nous nous sommes assurés que le ministère de l’Intérieur était informé (par fax et par livraison directe). L’équipe sanitaire a fait part de ses craintes d’encombrement dans les centres, auprès des conseillers du chef du gouvernement et a été rassurée quant au bon déroulement du processus et de la coordination avec le ministère de l’Intérieur et les gouverneurs», a-t-il écrit, en présentant, à l’occasion, ses excuses «à chaque citoyen qui a souffert de l’encombrement ou qui n’a pas pu être vacciné. Des excuses personnelles et directes sans justification».
Or, on rappellera que Hichem Mechichi avait assuré que ni lui, ni son gouvernement, ni les institutions sécuritaires n’étaient informées de ces journées portes ouvertes, décision qu’il a même qualifiée de «criminelle», et qui avait par ailleurs été annoncée, le 19 juillet, lors d’une conférence de presse par le département de la Santé et diffusée par de nombreux médias.
Pr Faouzi Mehdi, qui a pris ses fonctions en septembre 2020, est également revenu sur les décisions prises par le gouvernement dans la lutte contre le coronavirus allant parfois contre les recommandations du conseil scientifique, dont les membres ont fini par être changés, ou encore les démarches effectuées pour se préparer au mieux dans cette guerre contre la pandémie, citant notamment l’acquisition des vaccins, «qui grâce aux efforts diplomatiques de la présidence de la république et aux dons des pays amis, ainsi que les achats directs, a permis à la Tunisie de se projeter dans une autre stratégie, avec près de 4,5 millions de doses récemment reçues, et une gestion qui aurait permis dès la semaine prochaine, l’ouverture des portes de vaccination dans les pharmacies et la préparation d’un dispositif permettant aux citoyens de prendre eux-mêmes leurs rendez-vous de vaccination».
«Le système de santé a fait face à la première vague, qui a enregistré environ 4000 cas au total, et il a résisté à cette vague, et nous assistons actuellement à 4500 cas par jour. Il ne s’est pas effondré et ne s’effondrera pas car le système de santé n’est pas seulement des installations et des équipements, ce sont principalement des femmes et des hommes qui se sont engagés envers Dieu et envers eux-mêmes à faire des efforts pour prodiguer des soins, et sauver des vies. Il ne s’est pas effondré et ne s’effondrera pas, car la Tunisie en a fait ressortir le meilleur, a mobilisé ses capacités et a mis ses relations à profit pour améliorer les conditions et les moyens», a-t-il notamment ajouté, en remerciant tous les professionnels de la santé et tous les bénévoles qui ont travaillé le jour de l’Aïd et ont enduré la pression pour faire vacciner plus de 15.000 citoyens.
Le ministre limogé a affirmé qu’il «s’en fiche que son travail soit dénigré», mais qu’il a décidé de parler par respect au travail des professionnels de la santé et par respect «aux efforts des héros de l’armée blanche», et de conclure : «Aujourd’hui j’ai choisi de rompre mon silence… Je refuse que mon travail et celui du ministère soient une voie pour d’autres aspirations pour certains. Respecter le devoir de réserve ne signifie pas que je laisse le champ libre à ceux qui violent le devoir de respect envers une institution que j’ai eu l’honneur de conduire dans l’épreuve la plus sévère que notre pays ait connue depuis l’indépendance. Une institution que j’ai servie comme si j’y restais à jamais, et je me suis empressé d’en remettre la garde avec le même contentement, car je n’ai jamais aimé les postes de pouvoir. Vive la Tunisie, vive la République».
Y. N.
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