Depuis l’annonce des mesures exceptionnelles, le 25 juillet 2021, accueillies avec un grand soulagement par les Tunisiens, qui en attendaient monts et merveilles, Kaïs Saïed n’a vraiment pas avancé d’un iota sur la voie qu’il s’était lui-même tracée, celle d’une réforme profonde de l’Etat et de la société, au sortir d’une décennie de mauvaise gouvernance politique et de gabegie socio-économique. Qu’est-ce qu’il attend ? Sait il vraiment où il va ? Et vers quel inconnu nous mène-t-il ?
Par Imed Bahri
Cinquante jours après, le président de la république n’a réussi jusque-là qu’à mettre tout le monde contre lui, ses adversaires habituels, bien sûr, qui l’attendaient au tournant et dont il ne pouvait attendre des cadeaux, comme beaucoup de ses partisans qui hésitent désormais à le soutenir ouvertement et commencent même à avoir de sérieux doutes sur ses capacités à ouvrir des perspectives dans un pays quasiment bloqué, où rien pratiquement n’avance et où tout est en mode stand by.
Après l’espoir, un malaise grandissant
Comme on devait s’y attendre, les acteurs politiques, toutes tendances confondues et sauf de rares exceptions, sortent peu à peu de leur léthargie et commencent à faire entendre leur voix, heureux de la perspective que, par son étrange immobilisme, le président Saïed leur offre de les remettre en selle.
Ringardisés, ridiculisés, réduits au silence et devenus la risée de leurs concitoyens sur les réseaux sociaux, qui les ont vomis définitivement, ces derniers sortent de leur torpeur et caressent désormais l’espoir de se refaire une virginité, de reprendre du poil de la bête et de se replacer sur la scène politique en attendant des jours meilleurs.
Aujourd’hui, ce sont aussi les hommes d’affaires, les avocats, les journalistes et autres corporations et catégories socio-professionnelles qui commencent à ressentir un certain malaise, d’autant que beaucoup d’entre eux, qui disent n’avoir rien à se reprocher, se trouvent être désignés à la vindicte populaire et soupçonnés de corruption. Certains disent même avoir été empêchés de voyager et se posent des questions sur les motivations d’une telle décision surtout qu’elle est rarement motivée par les autorités.
La patience à des limites
Alors que les Tunisiens attendent l’annonce de la composition du prochain gouvernement et de la feuille de route pour la prochaine étape, et que les négociations avec les bailleurs de fonds internationaux sont au point mort et les perspectives économiques sont on ne peut plus incertaines, cette situation de blocage devient carrément insupportable. En tout cas, elle ne devrait pas durer davantage au risque de transformer le capital confiance dont jouit encore (pour combien de temps ?) le président Saïed en un ras-le-bol généralisé : le peuple, on le sait, ne peut continuer à se payer de mots, indéfiniment.
En cas d’échec, on aura alors perdu beaucoup de temps pour rien, aggravé la crise en Tunisie, accentué le scepticisme de nos partenaires étrangers et, pire encore, fermé une fenêtre d’opportunité ouverte par les décisions du 25 juillet pour assainir la situation dans le pays et y mettre en route les réformes que la crise a rendues nécessaires.
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