Les autorités tunisiennes ont finalement appliqué la loi en fermant la chaîne illégale et au financement occulte Nessma TV. Pendant des années, son patron Nabil Karoui, poursuivi en justice pour corruption financière et blanchiment d’argent et en fuite en Algérie où il est incarcéré avec son frère et associé Ghazi Karoui, a refusé de reconnaître la Haica, a refusé de se conformer la loi, de signer le cahier des charges du secteur et de payer les amendes. Il a aussi organisé des plateaux pour diffamer les membres de la Haica (surtout Hichem Snoussi), présenté un projet d’amendement du décret-loi 116 sur les médias pour supprimer l’autorité de régulation audio-visuelle et refusé de protéger ses employés en régularisant la situation de la chaîne et aujourd’hui, une campagne de désinformation et un concert d’indignation de la part des larbins de Karoui se mettent en place pour manipuler l’opinion publique. L’auteur évoque le parcours de ce hors-la-loi notoire dans l’article ci-dessous publié par Kapitalis le 27 avril 2019.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Certains salariés vont se retrouver sans emploi et sans revenu à la suite de la fermeture de la chaîne de télévision Nessma, mais cela ne diminue en rien les pratiques répugnantes auxquelles se livrent depuis plusieurs années Nabil Karoui et ses compagnons fricoteurs. Il faut, tout d’abord, rappeler quelques éléments importants pour resituer les choses dans leur contexte.
D’abord, la guerre qui oppose la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle, communément appelée Haica, à la chaîne de télévision privée Nessma ne date pas d’hier. Elle a commencé bien avant l’accession de Youssef Chahed, l’«ennemi juré» de Nabil Karoui, à la présidence du gouvernement, en 2016.
Le patron de Nessma et ses sbires ont, par le passé, essayé de nous faire croire que l’ancien chef du gouvernement se servait de l’instance pour régler ses comptes avec Nabil Karoui. Ainsi, la décision de la Haica ne répond pas au désir de satisfaire les ambitions politiques de telle ou telle personnalité, et encore moins celles de l’ancien locataire de la Kasbah. En d’autres termes, aucune force politique n’est derrière la décision de la Haute autorité.
Dans le giron d’Ennahdha…
En avril 2019, les membres du parti islamiste, ne faillant jamais à leur opportunisme légendaire et voulant se faire passer pour les chantres de la liberté d’expression, n’ont pas manqué de se prononcer contre la fermeture de Nessma par la puissance publique. Ils ont également invité la Haica à se rétracter.
Comme Nessma est encore une chaîne protégée par le «système» qui a été mis en place par Ennahdha, comme les membres de Qalb Tounes, le parti fondé par Nabil Karoui, sont toujours acoquinés au parti Ennahdha et à son appendice xiphoïde la Coalition Al-Karama, étant donné que leurs intérêts se rejoignent, les islamistes ont, aujourd’hui, une fois de plus remis le couvert et donné de la voix. Nessma est encore une chaîne protégée par le parti islamiste Ennahdha et ses alliés.
Tâchons de rappeler à notre «bon souvenir» que la diffusion de Persépolis par Nessma en 2011 s’est accompagnée d’un procès en sorcellerie et d’un procès en bonne et due forme, que les locaux de Nessma et le domicile de Nabil Karoui ont été attaqués par les islamistes et que le journaliste Zied Krichène et l’universitaire Hamadi Redissi ont été violemment agressés par un manifestant islamiste à la sortie du procès Persépolis.
Absence de transparence dans le financement de la chaîne
La Haica reproche à Nessma l’absence de transparence dans son financement. En effet, Nessma a été, pendant plusieurs années, régulièrement invitée par la Haute autorité à lui fournir des pièces essentielles concernant ses financements pour compléter son dossier. Mais le patron de Nessma a toujours préféré contribuer à l’instauration d’un climat opaque propice aux manœuvres politiques d’individus aux desseins douteux et aux magouilles de toutes sortes.
La Haica a également demandé à Nessma de changer la vocation de la société pour être conforme aux critères du cahier des charges. Elle lui a, à chaque fois, accordé un délai pour que Nessma lui fournisse les pièces nécessaires et régularise sa situation. Et le même scénario se produisait à chaque fois : les dirigeants de Nessma s’engageaient auprès de l’instance à régulariser leur situation et n’honoraient jamais leurs engagements.
Les ambitions malsaines de la bande à Nabil
L’on pourrait également disserter longuement sur les tentatives d’intimidation sur les membres de la Haica et les violations de la loi et des règles de la déontologie journalistique commises par Nessma. Le problème des radios régionales privées, telles que Sabra FM, Nejma FM, Ulysse FM, etc., que Nessma a tenté d’absorber en est l’une des plus éloquentes illustrations.
En effet, il serait utile de rappeler que Nessma a, pendant un certain temps, occupé l’antenne de plusieurs stations radios, plusieurs heures par jour (environ six heures par jour), grâce à l’accord qui avait été conclu entre cette chaîne de télé et les radios privées susmentionnées. Une concentration médiatique était en train de s’esquisser dans l’indifférence générale et l’instance de régulation a mis le holà aux ambitions malsaines et aux convoitises éhontées de la bande à Nabil Karoui.
La Haica se démène toute seule, depuis plusieurs années, contre des patrons de chaînes de télévision aux mœurs crapuleuses, contre les pratiques quasi-mafieuses des Karoui et consort, lesquelles pratiques s’exercent avec la collusion d’affairistes pourris jusqu’à la moelle et de hauts dignitaires aux intentions douteuses.
Par conséquent, les Tunisiens gagneraient à ne pas prendre part à cette levée de boucliers et au concert d’indignations orchestré par les chiens de garde de Nabil Karoui qui, en réalité, ne sont que des mercenaires grassement payés pour croiser le fer avec ceux portent atteinte aux intérêts de la pègre. Les Borhen Bsaïes, Mohamed Boughalleb, Mohamed Amine M’tiraoui…, j’en passe et des meilleurs, sont des tristes sires qui bouffent à tous les râteliers et qui adaptent leur discours en fonction de leurs intérêts.
Il faut prêter main forte à l’instance de régulation audiovisuelle
Il faut, donc, prêter main forte à cette instance de régulation qui livre une guerre impitoyable aux patrons de chaînes télévisées obnubilés par le pouvoir et l’argent. La Haica s’oppose à la puissance du trust médiatique et s’évertue depuis sa naissance à faire régner un semblant d’éthique dans le secteur audiovisuel tunisien.
Il est regrettable de voir que d’aucuns préfèrent vilipender la Haica et lui cherchent la petite bête, pensant ainsi se ranger dans le camp du Bien, en l’occurrence celui des défenseurs de la liberté d’expression et des pourfendeurs de la politique des deux poids, deux mesures.
La sanction dont Nessma vient de faire les frais est salutaire, elle devrait être accueillie avec satisfaction par ceux qui éprouvent de l’aversion pour la crapulerie et la manipulation. Pourvu que les autres chaînes de télévision, celles qui font fi de la loi et des règles les plus élémentaires de la déontologie médiatique, subissent le même sort que Nessma; le paysage audiovisuel tunisien n’en sera que plus sain.
* Universitaire.
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