Comme à l’accoutumé, la 36e édition de la Foire internationale du livre de Tunis, qui se tient du 11 au 21 novembre 2021, au Palais des Expositions du Kram, attire des foules de visiteurs. Dans cet article au style décalé, l’auteur réfléchit sur la place actuelle du livre dans un monde soumis au règne implacable des réseaux et des dieux Gafa.
Par Raouf Laroussi *
Je n’aime pas les livres. OK. C’est la foire du livre. Mais c’est dépassé, le livre. Maintenant, on a Facebook, Twitter, Instagram, Tiktok et d’autres… c’est plus agréable. On ne sent pas filer le temps avec ces réseaux. On se fait des amis. On s’informe. On fait tout avec !
Alors, moi je n’aime pas le livre. Il faut le feuilleter. Essayer de le retrouver à chaque fois qu’on veut reprendre la lecture. Une fois rangé, il est plein de poussière en peu de temps. Et puis quand on en a beaucoup, c’est pas facile de retrouver celui dont on a besoin alors que retrouver un livre sur internet ça se fait en deux clics. Retrouver un paragraphe en numérique, ça se fait en deux clics aussi.
Le peuple veut… un pays sans livres
Alors je n’aime pas les livres. Et puis c’est cher, les livres ! Quelle foire du livre ? J’en veux pas. On n’y rencontre que des vieux qui pleurnichent et ressassent l’histoire de leur jeunesse quand le livre était roi. La jeunesse veut… le peuple veut… un pays sans livres… On ne fera que parloter et pianoter sur les claviers… Notre mémoire se retrouvera dans le cloud des Gafa… Nos enfants n’ont qu’à «brûler» pour essayer de rejoindre les pays qui contrôlent le nuage numérique pour retrouver la mémoire de leurs parents et une partie de leur propre mémoire.
Je n’aime pas les livres ! Foire du livre, me dit-on ! T’as entendu si Mabrouk ! Ta foire qui est devenue l’occasion pour que tous ceux qui n’ont jamais lu un livre deviennent des défenseurs ardents du livre, je n’en veux pas. Cette foire qui est une occasion pour révéler les prix exorbitants du livre par rapport à la bourse du Tunisien moyen, je n’en veux pas. Cette foire qui rappelle que le livre existe, pour oublier tout de suite après son existence, je n’en veux pas.
Je n’aime pas votre livre… foire
Je n’aime pas le livre. Ainsi vu. Pourtant, c’est lui, ce livre, qui livre la profondeur de nos êtres, le fond de nos pensées, les reliefs de notre histoire et, certainement, les contours de notre avenir.
Je n’aime pas votre livre… foire, parce que le livre, lui, je l’aime… un peu… et même un peu plus qu’un peu… peut-être même beaucoup… je l’aime parce que, grâce au livre, j’ai notamment appris à écrire… pour mieux vivre et moins souffrir… je l’aime… je les aime, les livres !
* Universitaire.
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