Le projet de réforme du système politique sera-t-il fin prêt dans les délais pour être soumis au référendum populaire dont la date est fixée au 25 juillet prochain ? Malgré les assurances en ce sens présentées par le président Saïed, l’affaire est loin d’être entendue, même si l’opposition sera écartée de tout débat à ce sujet.
Par Imed Bahri
Hier, dimanche 1er mai 2022, le président dela république Kaïs Saïed a reçu en audience au palais de Carthage Sadok Belaïd et Mohamed Salah Ben Aissa, deux anciens doyens de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, spécialistes de droit constitutionnel.
Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat reçoit les deux hommes, pour discuter de son projet de nouvelle constitution, celle de 2014 ayant montré ses limites en ce qu’elle a délayé les responsabilités aux plus hautes charges de l’Etat et rendu impossible l’exercice du pouvoir, réduisant la marge de manœuvre du président de la république et soumettant le chef du gouvernement aux diktats d’un parlement émietté, versatile et cacophonique.
Où est passé Amine Mahfoudh ?
Ce qui est nouveau cette fois, c’est l’absence d’une troisième personnalité qui était présente lors des précédentes audiences : Amine Mahfoudh, lui aussi spécialiste de droit constitutionnel, qui avait longtemps soutenu les mesures exceptionnelles proclamées par le président de la république le 25 juillet dernier et son projet de réforme du système politique en vigueur dans le pays, avant de prendre ses distances, ces dernières semaines, et de critiquer les récentes décisions de M. Saïed qui dénotent une volonté d’accaparer tous les pouvoirs et de ne dialoguer qu’avec ceux qui sont d’accord avec lui.
Ceci explique-t-il cela ? On est tenté de le penser, d’autant que le président Saïed, dans le discours qu’il a prononcé quelques heures plus tard, pour présenter ses vœux aux Tunisiens à l’occasion de l’Aid Al-Fitr, a annoncé qu’il rendra public très prochainement la composition du haut comité qui sera mandaté pour préparer la mise en place d’une nouvelle république, et ce en proposant un projet de réforme de la constitution et de la loi électorale, sur la base des recommandations et propositions formulées par le peuple à travers la consultation nationale numérique à laquelle ont pris part quelque 500 000 citoyens, soit moins de 7% des Tunisiens.
Amine Mahfoudh fera-t-il partie de ce haut comité ? Et ceux qui seront désignés pour cette tâche seront-ils tous choisis parmi les partisans et les soutiens du président Saïed, ou ce dernier acceptera-t-il de désigner des personnalités qui ne sont pas d’accord avec ses idées ? Et une fois désignés, ces derniers accepteront-ils d’apporter leur caution académique et morale à un projet déjà en partie préparé, puisqu’il émane de la volonté du président et de sa conception d’un pouvoir présidentiel voire présidentialiste dont il nous a donné un avant-goût depuis qu’il a accaparé tous les pouvoirs ?
Un projet prémâché ?
Le président de la république a promis que le projet sera fin prêt très bientôt («C’est une affaire de jours», a-t-il assuré). En tout cas, il le sera avant le référendum sur les réformes politiques, dont la date est fixée au 25 juillet prochain.
Est-ce à dire que MM Belaid, Ben Aissa et les autres membres dudit haut comité seront conviés à toiletter et à donner forme à des textes prémâchés ? Qu’on nous permette de répondre par la négative, car ni M. Belaid, ni M. Ben Aissa ni à fortiori M. Mahfoudh, s’il est finalement désigné pour en faire partie lui aussi, ne sont du genre à apposer leurs signatures et à accoler leurs noms à des projets dont ils n’assument pas totalement la responsabilité intellectuelle et morale.
En d’autres termes, et contrairement aux assurances de M. Saïed, l’affaire est loin d’être entendue.
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