Le dernier film de Fadhel Jaziri est un condensé de toutes les formes de détresse qui rôdent autour d’un printemps tunisien, transformé en mauvais rêve.
Par Fawz Ben Ali
‘‘Eclipses’’, le dernier long-métrage fiction de Fadhel Jaziri, a fait sa sortie nationale, le 6 avril 2016, dans les salles du grand Tunis, de Bizerte, du Kef, de Monastir et de Sousse, après avoir été présenté en avant-première, le 27 novembre 2015, aux JCC 2015, en séance spéciale hors compétition.
Avec ce film, Fadhel Jaziri marque son retour au grand écran, après une absence qui a duré 8 ans. Sa dernière création cinématographique remonte à l’année 2007, avec ‘‘Thalathoun’’ (Trente), une adaptation libre de son spectacle ‘‘Hadhra’’.
Une œuvre marquée du sceau du drame
‘‘Eclipses’’ réunit une pléiade d’artistes entre icônes du théâtre et du cinéma tunisien (Raouf Ben Amor, Mohamed Driss, Mohamed Kouka…) et jeunes talents (Ali Jaziri, Yasmine Bouabid…), et ce, sur un scénario écrit par Fadhel Jaziri et la jeune comédienne et scénariste Nejma Zghidi, sur une période de 3 ans (2009-2012).
Si le film a pu voir le jour, c’est en grande partie grâce à la contenance dont a fait preuve Fadhel Jaziri face aux circonstances tragiques qui avaient marqué le tournage. Omar Jaziri, fils cadet de l’artiste et premier assistant dans le film, est décédé sur les lieux du tournage, à la fleur de l’âge (à peine 25 ans), heurté par un train près de la station-train du Bac, dans la banlieue de Tunis, sous les yeux impuissants de son père. L’horrible accident a eu lieu à la troisième semaine du tournage, mais l’équipe a tout de même achevé le film, et l’a dédié à la mémoire du défunt Omar Jaziri.
Ali Jaziri, fils aîné de Fadhel Jaziri, est également présent sur ce film comme acteur principal et compositeur de la musique du film. Il s’agit ici de sa deuxième expérience cinématographique. La première étant pareillement une création de son père, ‘‘Thalathoun’’, où Ali Jaziri avait brillé dans le rôle du penseur réformiste et dirigeant syndical Tahar Haddad. Il faut dire que les Jaziri ont l’art dans les gênes.
‘‘Eclipses’’, qui s’inscrit dans le genre polar, s’ouvre sur un générique de chant liturgique, nous rappelant le spectacle ‘‘Hadhra’’ (œuvre emblématique du même Jaziri), le rythme monte, comme s’il nous invitait à une transe sombre et funeste qui nous fait forcément penser à la douleur qui a accompagné le film en l’absence de Omar.
Descente dans l’enfer d’une transition
Drame policier ou enquête en mode thriller, le dernier film de Jaziri est manifestement en rupture avec tous ces films tunisiens récemment sortis, par son côté très sombre et son engagement politique et social cru, un polar comme on en a jamais ou rarement vu dans le cinéma tunisien.
Il s’agit d’une histoire d’amour entre une journaliste, Hind, et un commissaire de police, Lassaâd, incarnés par Yasmine Bouabid et Ali Jaziri, dont les chemins se sont croisés dans une enquête sur le meurtre d’un entrepreneur assassiné par sa belle-fille. L’enquête les met sur d’autres pistes et ils découvrent ensemble un réseau de passeurs de jihadistes vers la Syrie, ils tentent alors de le démanteler avec l’aide et la complicité d’un juge d’instruction.
‘‘Eclipses’’ ou l’allégorie d’une réalité amère, celle de la Tunisie post-révolutionnaire, précisément dans la période critique de la transition démocratique, où on voit le pays se noyer dans la corruption, la violence et le terrorisme, et où les jeunes tunisiens broient du noir et se font écraser par les vagues d’islamisation. Un condensé de toutes les formes de détresse qui rôdent autours d’un printemps tunisien, transformé en mauvais rêve.
Le film est actuellement projeté dans les salles suivantes :
• Tunis : l’ABC, le Rio, Ciné Amilcar, CinéMadArt et Cinevog ;
• Bizerte : Le Metropole (Menzel Bourguiba) ;
• Kef : Théâtre de Poche ;
• Monastir : Complexe culturel de Monastir.
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