Le traitement réservé à l’attentat de Nice par certains médias tunisiens n’a fait qu’ajouter le ridicule à l’horreur de cet acte démentiel.
Par Salah El-Gharbi
L’attentat de Nice, jeudi soir, qui a fait 84 morts et des dizaines de blessés graves, et qui serait perpétré par un «Franco-tunisien» originaire de Msaken, gouvernorat de Sousse, selon certains médias, par un «tunisien titulaire d’un titre de séjour», selon d’autres, plonge une fois encore la France dans l’horreur, au moment où la foule était rassemblée pour admirer les feux d’artifice à l’occasion du 14 juillet.
Des commentaires farfelus
Alors que tout le monde était atterré suite à cette nouvelle tragédie qui frappe, à moins de deux heures de vol de Tunis, certains de nos médias, et non des moindres, se livrent à toutes sortes d’élucubrations ce qui ne font qu’ajouter le ridicule à l’horreur de cet acte démentiel.
En effet, alors que toute la planète exprime son indignation face à la barbarie, les animatrices d’une station de radio privée, Express FM pour ne pas la nommer, se laissent aller à des commentaires farfelus… Ainsi, nos deux jeunes commères, non seulement fustigent le président français pour avoir dénoncé la «menace du terrorisme islamiste», une accusation qui, selon elles, risquerait de stigmatiser toute une communauté. Pour elles, les médias français, comme d’habitude, auraient failli et manqué d’objectivité, et ce, à travers leur traitement «tendancieux» de l’événement en insistant sur les origines tunisiennes de l’assaillant. «Cet homme qui est Franco-tunisien, a été formé, éduqué… chez eux, pourquoi insistent-ils sur ses origines?», scande l’une deux animatrices avec véhémence, en affirmant des contre-vérités, puisque Mohmed Lahouij Bouhlel a rejoint la France il y a 10 ans, après avoir passé son enfance et sa jeunesse, et fait ses études en Tunisie. Et les deux jeunes dames de s’étonner qu’on consacre tant de temps d’antenne à cet événement alors que les récentes tragédies de Bagdad étaient passées presque inaperçues. «Deux poids, deux mesures», conclut l’une d’entre-elles sur le ton de la désolation.
Devait-on éviter de dire que Mohamed Lahouij Bouhlel était Tunisien?
Deux heures plus tard, les auditeurs de la «première radio du pays», Mosaïque FM en l’occurrence, ont eu droit au même délire : «Etait-il opportun d’évoquer les origines tunisiennes du terroriste?». Et cette question existentielle va faire baver durant quelques minutes les journalistes présents à l’antenne de cette prestigieuse radio. «Pourquoi ne signale-t-on pas la double nationalité de certaines stars de l’équipe de France, et on n’en parle que lorsqu’il s’agit d’actes condamnables?», argue un jeune chroniqueur un peu zélé…
Cette terrible opposition «eux et nous»
Au-delà de l’indigence intellectuelle de certains, du manque de professionnalisme d’autres, ces courtes séquences radiophoniques sont pleines d’enseignements. Elles nous apprennent beaucoup sur nous-mêmes, sur nos égarements, sur nos contradictions. Ainsi, on croit qu’en reniant publiquement l’assaillant, «le souillon», on est racheté, blanchi… Or, la malédiction est là, en nous. Elle réside dans cette façon duelle de penser le monde. Tant qu’on n’est pas affranchi de cette opposition «eux et nous», on est, à notre insu, du côté de cet individu qui, se lève un jour et se dirige vers cette foule paisible pour donner la mort, pour la seule raison que ces hommes, ces femmes, et ces enfants, c’est «eux»…
Et si les télés françaises n’avaient pas accordé l’importance souhaitée, pour certains, à la récente tragédie de Bagdad, ce n’était surtout pas par cynisme ou parce que les Irakiens, c’était «eux», mais uniquement pour des raisons purement professionnelles.
Sachons, que l’information, dans ces pays, est hiérarchisée et cette hiérarchisation doit tenir compte de l’attente du public. Un Français s’intéresse, en premier lieu, à ce qui se passe dans son quartier, dans sa ville, etc. Et puis, franchement dit, qui d’entre «nous» s’émeut encore de ce qui se passe en Irak ou en Syrie tellement les belligérants rivalisent d’atrocités, et tellement la violence au quotidien est malheureusement banalisée? D’ailleurs, les médias tunisiens, radios, télévisés et écrits, n’ont pas assuré une couverture exceptionnelle du dernier attentat meurtrier à Bagdad. C’est à peine s’ils lui ont consacré une distraite attention. De là à se permettre de faire la leçon aux confrères français…
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