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Djerba : Construction controversée… et mutisme complice des autorités

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Un promoteur de Djerba construit une tour de béton dans une zone verte, non loin du rivage, bafouant la loi et ignorant les décisions des autorités.

Par Naceur Bouabid*

Exposée depuis des décennies aux exactions les plus répréhensibles, aux outrages les plus révoltants, la côte nord-est de l’île, dite touristique, est aujourd’hui méconnaissable, dénaturée, enlaidie irréversiblement et spoliée de ses spécificités paysagères. Qu’y voit-on aujourd’hui? Le béton, qui y a fait irruption depuis belle lurette, continue sa percée triomphante, rampant sans crier gare pour s’emparer voracement en peu de temps du moindre espace demeuré encore épargné. Où sont aujourd’hui toutes ces dunes bordières qui resplendissaient jadis de gigantisme et de beauté unique, avant d’être arasées à jamais et leur sable exploité pour la construction des hôtels, et qui étaient garantes depuis longtemps  du renouveau et de la stabilité des plages, aujourd’hui rétrécies, amincies et en déficit croissant d’apport sédimentaire? Et tous ces palmiers altiers naguère abondants qu’on n’hésite plus  aujourd’hui à massacrer pour déblayer la voie devant des promoteurs de tous genres mus que par le seul désir du gain, et à sacrifier à la faveur de quelques projets de commerce de très mauvais goût proliférant tels des champignons? Que n’y a-t-on pas encore fait?

Les spécialistes et les experts en la matière sont alarmés et ne cachent pas leur inquiétude, voire leur désarroi au vu de l’état des lieux en présence. Au lieu de tirer les leçons des graves erreurs du passé et des maladresses à la pelle aux conséquences très lourdes, les responsables au sein des institutions administratives chargées de la protection des zones sensibles, vertes ou humides ne sont pas de la rigueur, ni de la célérité exigées, et manifestent souvent un  laxisme aberrant face aux outrages perpétrés.

La tour de toutes les controverses

Une telle attitude, devenue désormais coutumière, aggravée par ricochet par le quasi vide institutionnel dans ce contexte post révolutionnaire, n’est que pour profiter aux contrevenants qui ne peuvent mieux espérer pour réaliser leurs projets les plus osés, les plus controversés. Le dernier en date consiste en la construction d’une tour maçonnée de béton dans une zone verte, à quelques encablures du rivage, faisant partie d’un projet d’aménagement d’un méga-parc aquatique décidé par un promoteur hôtelier de la zone.

L’aménagement d’une telle bâtisse en dur haute de presqu’une vingtaine de mètres constitue une infraction immorale au règlement en vigueur, une atteinte gravissime à l’équilibre écologique, un coup dur à l’esthétique et au paysage marquant de la zone.

La commune de Midoun a émis un avis défavorable à la pose de la tour, illustré conséquemment par la promulgation d’un arrêté de démolition émanant de la commission technique à la date du 8 mai dernier, mais qui, jusqu’à ce jour, attend vainement sa mise en application.

Laxisme  aberrant face au mal sévissant

La question du pourquoi de la non concrétisation de l’arrêté de démolition est sur toutes les lèvres, mais personne n’est en mesure de fournir une réponse. Informée, l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje), mesurant l’ampleur de la bavure et prenant conscience de la gravité de la nuisance, a pris contact avec toutes les parties concernées pour les informer et les placer devant leurs responsabilités.

En dehors de l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (Apal) qui a daigné répondre, et à raison, que les lieux du projet sont sis en dehors de la zone de servitude lui revenant de droit, et de l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE) à Sfax, qui a promis de mobiliser ses troupes, les autres sont encore au mutisme et à l’inaction. N’y a-t-il pas infraction en la demeure? Et elle est criarde, préjudiciable et d’une arrogante digne d’une époque qu’on croyait révolue.

L’article 84 de la Loi n° 94-122 du 28 novembre 1994, portant promulgation du code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme stipule que «dans tous les cas où une construction est érigée sans permis ou si elle est érigée sur un terrain issu d’un lotissement n’ayant pas fait l’objet d’une demande d’approbation ou dans des zones nécessaires à la réalisation de la voirie, et réseaux divers, des places publiques et des espaces verts, le gouverneur ou le président de la municipalité, selon le cas, est tenu d’inviter le contrevenant pour audition dans un délai maximum de 3 jours à compter de la date de notification de sa convocation sur chantier et ce, par l’intermédiaire des agents cités à l’article 88 du présent code, et de prendre par la suite un arrêté de démolition, de l’exécuter sans délai en ayant recours le cas échéant à l’assistance de la force publique et de procéder à tous les travaux nécessaires aux frais du contrevenant. Le contrevenant aux dispositions de l’alinéa premier ci-dessus est passible d’une amende allant de 1000 dinars à 10.000 dinars.»

Les délais sont largement dépassés; les travaux de construction vont bon train, comme si de rien n’était, et à la tour de progresser, imperturbable, pour prendre enfin forme; entre temps, les services concernés et les autorités, tant locales que régionales, en l’occurrence la commune de Midoun et le gouvernorat de Médenine, dorment sur leurs lauriers et n’ont pas encore jugé utile de réagir pour mettre en application les dispositions y afférentes prévues par la loi en question, laissant installer la suspicion quant aux raisons inavouées d’un tel laisser-faire que rien ne peut justifier.

A quand, chers responsables et décideurs, un éveil de conscience et une prise en main de la situation dans la perspective escomptée de la consécration de la primauté de la loi ?

Car, quand les dispositions prévues dans les textes de lois ne sont plus appliquées, quand les lois elles-mêmes sont bafouées et piétinées, et quand enfin des individus soumettent à leurs caprices et à leur bon vouloir celles ou ceux à qui est confiée la sacro-sainte mission de veiller à l’application et au respect des lois en vigueur, il paraît difficile d’admettre que nous évoluons au sein d’un pays qui respecte ses institutions, dans un Etat de droit où la loi est suprême, souveraine et inébranlable.

* Président de l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje).

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