La statue réalisée par Sadika Keskes et Zouhour, la veuve du poète.
Sadika Keskes a réalisé une statue du poète Sghaier Ouled Ahmed, érigée à Hammamet : les mots, les vers, le verre, la pierre… Hommage à un homme qui aima les femmes et les chanta toute sa vie.
Par Anouar Hnaïne
Le symbole est fort, l’acte généreux : une femme-artiste rend hommage à un poète récemment disparu, Sadika Keskes immortalise le poète d’avant-garde, militant de la première heure, ciseleurs de mots, moderniste et engagé aux côtés des femmes dans leur lutte, une artiste qui honore le poète par une sculpture, un 13 juillet, Journée nationale de la femme, pour dévoiler l’œuvre.
Samedi 20 heures, la Villa Sebastian, au Centre culturel international de Hammamet, a abrité un aréopage d’intellectuels, de poètes, d’écrivains, d’amis et de festivaliers pour assister à l’inauguration de l’œuvre représentant le poète (avril 1955-avril 2016) réalisée par l’artiste Sadika Keskes qu’elle a intitulée ‘‘La prière éternelle’’.
Le poète Adam Fathi rend hommage à un compagnon de route.
Au coeur du parc
L’idée d’installer des sculptures dans le parc du Centre est venue de Moez Mrabet, directeur, une idée originale et brillante, la sculpture sous ses différents genres bas ou hauts reliefs, portrait, bustes, en pied… avec ses différents matériaux, plâtre, bronze, bois… ont disparu de notre paysage, l’idée de revenir à cet art est franchement éminente.
Artiste sculptrice et verrière, Sadika Keskes dispose d’un long parcours dans son domaine qui lui a ouvert des portes partout dans le monde et permis d’être sollicitée par de grandes institutions internationales (Pékin, Rome, Paris, Oman, etc.). Le choix de réaliser la statue s’est donc imposé de lui-même d’autant que, détail très important, en dehors des frais de réalisation (pierre de Dar Châabane El-Fehri, salaire des assistants), elle s’est proposée de travailler gratuitement, elle dont les œuvres (en verre) sont cotées sur le marché international. «C’est la moindres des reconnaissances au grand poète, à l’homme qui a aimé les femmes», nous confie-t-elle.
Grande émotion du public, discours brefs, Zouhour, la veuve du poète, prononce quelques phrases et verse des larmes, sa fille Kalimet, portant bien son noms déclame quelques vers. Les poètes et amis du défunt Adam Fethi et Moncef Mezghanni scandent des poèmes en hommage à leur ami. Moez Mrabet est comblé, il l’exprime par quelques mots, puis la fille, la veuve et Sadika coupent le ruban. L’homme apparaît dans sa grandeur, de face, une silhouette mince, presque filiforme, squelettique, immobile, figé, la bouche ouverte (déclamant un poème?), les mains dans les poches.
Moncef Mezghanni: les mots manquent pour raconter une amitié souvent intransigeante et orageuse.
Le poète tel qu’il est
Ressemblance? Nous devons revenir aux fondamentaux de la lecture des œuvres qui est tout d’abord une vision de l’artiste, une projection, alimentée par une connaissance du personnage, par le choix du matériau, la géométrie, l’espace, la lumière, etc. Bref une pensée (donc forcément abstraite). Cet Ouled Ahmed sculpté n’est manifestement pas un bourgeois repu, encore moins un être suffisant et bien sapé, son expression montre l’homme, le poète tel qu’il est, tel qu’on l’a connu: bohème et angoissé.
L’homme, les pieds écartés, debout est posé sur un coffre en verre soufflé (cela va de soi) sur lequel sont inscrits, calligraphiés des textes du poète, effets de lumières et déliés élégants. Bel hommage, les visiteurs d’un jour, les résidents apprécieront l’initiative. Ce n’est malheureusement pas le cas de certaines personnes, qui ont cru devoir provoquer une polémique stérile et oiseuse sur les dissemblances entre l’homme et la statue, démontrant par là leur méconnaissance de l’art et la poésie.
Donnez votre avis