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Tunisie : Le prix élevé de la mauvaise gouvernance économique

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La crise économique et financière en Tunisie est-elle un malaise conjoncturel ou un mal chronique et structurel? Et le rebondissement espéré est-ce réalisable?

Par Mohamed Chawki Abid *

Le dérapage de la charge de la «fonction publique» a été amorcé depuis le premier gouvernement post-révolution de 2011, accentué en 2012-2013, sous la «troïka», la coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha, et entretenu en 2014-2016 par les gouvernements Mehdi Jomaa et Habib Essid.

L’aggravation des déficits des caisses sociales, des entreprises publiques et des offices est principalement imputable à une généralisation de la mauvaise gouvernance, toutes formes confondues.

Le taux de non-réalisation du budget d’investissement est estimé à 60% depuis 2012, soit un cumul quinquennal de 15.000 millions de dinars tunisiens (MDT).

Le creusement du déficit budgétaire est principalement provoqué par l’inflation de la masse salariale et du service de la dette, mais aussi par la persistance de la fraude financière et la prospérité de l’évasion fiscale, estimée à environ 50% des recettes fiscales collectées.

La détérioration du déficit commercial est due au fléchissement de l’exportation des produits phosphatés, mais aussi à l’accélération de l’importation des biens de consommation superflus (automobiles, habillement et chaussure, alimentation, articles de loisir…) sans toutefois enclencher les mesures de sauvegarde recommandées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et consignées dans l’article 35 de l’accord de libre-échange de 1995 avec l’Union européenne (UE).

L’importation sauvage des biens de consommation a contribué, non seulement à l’alourdissement de l’endettement extérieur, mais encore à la déstructuration de l’économie nationale, la part des industries manufacturières dans la formation du PIB étant passée de 23% en 1993 à 15% en 2015.

La responsabilité de la décadence du secteur des «industries manufacturières» appartient principalement à la non application des mesures de préservation (lois N° 96-106 et N° 99-09) et à l’indulgence avec les barons de l’économie souterraine. Les conséquences sont visibles à l’œil nue : fermeture de PMI, destruction d’emplois, fléchissement de la production et des exportations, chute des investissements industriels…

L’amplification du déficit de la balance des paiements résulte du gonflement du déficit commercial et de la baisse des recettes touristiques, mais aussi de l’importance des dépenses en services, des échéances de la dette extérieure, et des dividendes transférables au titre des IDE.

L’accentuation des déséquilibres extérieurs a été catalysée par des mécanismes de «fuite de capitaux» : surfacturation des importations, sous-facturation des exportations, règlement de prestations fictives facturées par environ 12.000 entreprises offshores (au capital de 500 €), plus proches de sociétés écrans que de sociétés de services.

D’après le rapport du cabinet Political Economy Research Institute (PERI, Etats-Unis), l’on estime le cumul des capitaux fuités de la Tunisie depuis 1970 à 50 milliards de dollars, dont les ¾ depuis les années 90 et dont plus de 20% depuis 2011. Le pire c’est que ce constat est confirmé depuis plus de deux ans, sans qu’il ne soit suivi de mesures réparatrices et d’actions dissuasives.

En intégrant toutes les formes de malversation, leur impact est déterminant aussi bien sur les équilibres budgétaires que sur les équilibres extérieurs, particulièrement l’évasion fiscale, évitement douanier, fuite de capitaux, corruption, contrebande, etc.

Maintenant les autorités financières nous vendent l’idée que l’État doit sortir de toute urgence sur le marché international et lever 1 milliard d’euros pour soi-disant boucler le budget de 2016. Évidemment, cet emprunt va nous coûter excessivement cher (≈7%) quand l’Euribor est à -0,4%.

Il est difficile de croire au prétexte avancé, portant couverture des salaires de novembre-décembre qui seront réglés en monnaie locale. N’est-il pas stupide de financer un déficit en dinar avec des prêts en devises?

En revanche, on demeure convaincu que cette ressource d’emprunt additionnelle servira plutôt à couvrir 3 besoins, classés par ordre de priorité comme suit: 1- payer le reliquat du service de la dette ; 2- transférer des dividendes à l’adresse des IDE; 3- couvrir les importations de biens de consommation superflus, des concessionnaires auto, hypermarchés, chaînes franchisées, etc., et 4- régler les factures fictives de sociétés écrans créées à l’étranger par des nationaux, à des fins de blanchiment d’argent et de fuite de capitaux.

Après l’emprunt improductif similaire levé par Mehdi Jomaa au terme de son mandat (1 milliard de dollars US), Youssef Chahed confirme la chute périlleuse de la Tunisie dans la spirale du surendettement improductif voire toxique.

Comme le remboursement de l’emprunt qatari a été reporté pour 2021 alors que l’emprunt de Mehdi Jomâa échoit en 2020, la maturité recherchée par les autorités monétaires du pays serait plutôt de 7 à 10 ans. Ceci laisse supposer un pricing horriblement cher (au-delà de 7%).

* Ingénieur économiste.

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