La 1ère édition tunisienne de ‘‘La nuit des idées’’ a accueilli, le soir du jeudi 26 janvier 2017, au siège de l’Institut français de Tunisie (IFT), à Tunis, plus de 4000 personnes.
Par Fawz Ben Ali
Après le succès de sa 1ère édition au Quais d’Orsay, à Paris, la manifestation a pris de l’ampleur en s’étendant à plus de 40 pays sur les 5 continents.
L’idée est en effet de rassembler, dans une même date dans tous les relais de l’IFT dans le monde (Paris, Londres, Tokyo, Los Angeles, Mexico, Marrakech…), et ce, autour d’un seul thème: «Un monde commun», en vue d’une circulation libre des idées à l’échelle mondiale.
Idées, festivité et de la convivialité
A la tombée de la nuit, le public a commencé à affluer dans les locaux de l’IFT qui a aménagé son espace de manière à répondre au flux énorme des participants. Le public pouvait en effet déambuler à sa guise dans 4 espaces différents : la galerie, l’auditorium, la médiathèque et la grande cour où une tente géante avait été installée.
Scène, écrans, gradins, espace de restauration … tout y était pour que le grand débat soit placé sous le signe de la festivité et de la convivialité.
Des intervenants issus du monde artistique, universitaire, de la société civile et de la sphère politique étaient au rendez-vous pour mener un débat libre et, autant que faire se peut, objectif.
Ces rencontres ont pris l’allure d’une revue parlée où chacun a tenté de répondre, à partir de son champ de compétences, aux questions urgentes du monde contemporain.
Une performance artistique intitulée «Tunis se dessine» du collectif Urban Sketchers a eu lieu dans la galerie. Rached Triki, Farah Ben Mansour et Tarek Souissi ont réalisé, durant la soirée, trois énormes fresques sur les murs de la galerie, représentant le patrimoine urbain de Tunis.
De l’autre côté, sur la scène de la grande cour, la dessinatrice Nadia Khiari, plus connue sous le pseudonyme Willis from Tunis, s’est amusée à croquer en direct les portraits des participants.
Questions croisées sur le thème de la nuit
La tente géante a accueilli un bref entretien à la lueur des bougies entre le penseur et écrivain tunisien Youssef Seddik et l’ancien directeur de France Culture et actuel ambassadeur de France à Tunis Olivier Poivre d’Arvor.
C’est dans une ambiance intimiste que les deux invités ont mené leurs questions croisées sur le thème de la nuit.
Youssef Seddik a commencé à nous parler des nuits magiques de la ville de Tozeur au sud de la Tunisie, où l’oasis devient «un être audible» qui nous raconte un profond passé. En effet, «on dit que le jour a des yeux et que la nuit a des oreilles», affirme Olivier Poivre d’Arvor.
Humble et spontané comme on l’a toujours connu, Youssef Seddik a conclu l’entretien en chanson, en appelant le public à chanter avec lui l’une de ses chansons préférées ‘‘Al Laylou ya layla’’ (Nuit de Leila) du célèbre crooner libanais Wadih Al Safi.
Par la suite, l’une des tables rondes qui comptait le plus d’intervenants a lancé un débat sur le thème de la pluralité dans la société tunisienne. Les invités, issus essentiellement de la société civile, nous ont invités à réfléchir sur la manière dont nous pouvons cohabiter malgré nos différences.
Olfa Arfaoui (membre du programme régional «Intégration économique des femmes dans la région Mena») a abordé la question de l’égalité des sexes. Bien que la cause féministe remonte à bien longtemps, «les politiques et les lois ne sont toujours pas favorables aux femmes». Selon la jeune féministe, «la société tunisienne n’est pas en bonne santé, car elle est loin de l’égalité homme-femme».
Islem Mejri (membre actif de l’association «Mawjoudin») a, quant a lui, mis la lumière sur la discrimination des personnes LGBT, qui, ces derniers temps, a battu son plein. «La haine dans la société vient d’une haine juridique, qu’est l’article 230 du code pénal tunisien (…) les agressions se multiplient car elles restent impunies», explique le jeune militant.
Blamassi Touré (fondateur de l’Union des leaders africain) a évoqué les difficultés d’intégration que vivent les migrants subsahariens en Tunisie, notamment les étudiants. Une réflexion appuyée par Omar Fassataoui (officier au bureau du Haut commissariat aux droits de l’homme) qui parle d’un déni de discrimination de la part du peuple tunisien, qui est indirectement raciste. «La démocratie, ce n’est pas quand la majorité va bien, mais quand la minorité va bien», dit-il. Une phrase qui pourrait bien résumer ce débat appelant à une Tunisie plurielle, où il y a de la place pour tout le monde.
Parallèlement à tous ces débats, on a également eu droit à des lectures poétiques avec Moncef Mezghanni, mais aussi à des spectacles de Slam ou encore de one-man-shows avec Nidhal Saadi ou encore Lotfi Abdelli, qui a pour la première fois donné des sketchs en langue française, sur le thème de la soirée «Un monde commun».
La soirée a pris fin en musique sur les rythmes trip-hop du duo franco-tunisien «Dhamma».
Ceux qui ont manqué cet événement hors du commun n’ont qu’à retenir la date de la prochaine nuit des idées, le 26 janvier 2018, pour de nouvelles rencontres et de nouveaux débats encore plus attrayants.
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