L’exclusion des sécuritaires du droit de vote aux élections nationales est contraire à la constitution. La loi sera-t-elle invalidée pour inconstitutionnalité?
Par Farhat Othman *
Le projet de loi relatif aux élections et aux référendums a été enfin voté au parlement, mardi 31 janvier 2017, à la faveur d’un compromis illogique sur le vote des sécuritaires. Cela l’entache d’inconstitutionnalité et le rend susceptible d’annulation, si jamais le juge constitutionnel était saisi.
En effet, les politiques qui s’opposaient au droit constitutionnel du vote citoyen pour toute élection en Tunisie: locale, régionale ou nationale, ont cru judicieux de se sortir de l’impasse où ils s’étaient fourrés, reconnaissant un tel droit tout en limitant aux élections hors législatives et présidentielles.
Violation de l’égalité des citoyens devant la loi
Ainsi, en vertu de l’article 6 dudit projet, un tel droit n’est reconnu qu’aux municipales et nullement aux élections nationales; ce qui est une flagrante violation de l’égalité des citoyens devant la loi, notamment en ce domaine si sensible du droit de vote, parfait symbole de la qualité de citoyen tunisien.
C’est d’autant plus aberrant que l’argumentation retenue est parfaitement oiseuse en ce sens que l’on ne peut douter de la neutralité des sécuritaires dans l’exercice de leurs fonctions, car elle est à la base même de leur engagement au service de la patrie.
En effet, douter d’une telle neutralité, c’est tout simplement mettre en doute la capacité du sécuritaire, par définition républicain, à assumer ses fonctions. Aussi, il ne suffit plus alors de lui dénier son droit imprescriptible à être citoyen en ayant son droit de vote; il faudrait plutôt, en bonne logique, l’exclure du devoir — qui est dans le même temps un droit éminent — de servir la patrie, et donc d’être sécuritaire !
Par conséquent, il serait salutaire, afin que la politique dans notre pays retrouve ses lettres de noblesse, que l’on n’attende pas un recours pour inconstitutionnalité en revenant sur ce texte scélérat et lever la restriction honteuse, par trop partisane.
Si l’on veut faire de la Tunisie un parfait État de droit, ses politiciens doivent avoir le courage d’oser assumer toutes ses implications, dont surtout la liberté de conscience de chacun dans la totale égalité de tous devant la loi.
Ceux qui donnent leur vie pour la nation ne peuvent être privés de leurs droits de citoyens.
Des exceptions honteuses
On ne peut prétexter de la jeunesse de cette démocratie, ou de sa supposée fragilité, pour prévoir des exceptions honteuses qui la fragilisent davantage en violant de tels principes cardinaux, fondement même de tout État de droit.
Ce serait alors comme si l’on faisait des économies sur des matériaux de qualité pour ériger un bâtiment. Assurément, il sera bancal et ne tiendra pas longtemps. Il est vrai, selon certains témoignages, il s’agirait d’une pratique courante dans le pays auprès de certains promoteurs immobiliers.
Or, si une telle pratique était avérée, il s’agirait non seulement de la bannir, mais en aucun cas elle ne doit gagner la scène politique où l’exemple de bonne gouvernance doit être parfait.
Avis donc aux plus éthiques de nos politiques : il n’y pas de place à l’intérêt partisan, en Tunisie nouvelle République, il n’y a que celui de la patrie qui doit compter !
* Ancien diplomate et écrivain, auteur de ‘‘L’Exception Tunisie’’ (éd. Arabesques, Tunis 2017).
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