La crise qui divise le corps de la magistrature en Tunisie ne semble pas près d’être résolue. Elle est même en train de s’internationaliser.
Par Abderrazek Krimi
La Commission internationale des juristes (CIJ) a demandé au président de la république Béji Caïd Essebsi de ne pas ratifier l’amendement de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Dans un communiqué rendu public, jeudi 30 mars 2017, la CIJ indique avoir demandé au chef de l’Etat tunisien de s’abstenir de ratifier l’amendement de la loi organique n° 2016-34 du 28 avril 2016 relative au CSM, approuvé, mardi dernier, par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
La CIJ a, dans le même communiqué, aussi demandé au chef du gouvernement Youssef Chahed d’accélérer la procédure de désignation des magistrats proposés par l’Instance provisoire de la juridiction judiciaire pour le remplacement du président de la cour de cassation et du procureur général auprès de la cour de cassation, tous deux sortis en retraite.
La CIJ a exprimé, par ailleurs, son inquiétude de voir les amendements entrepris par le gouvernement affaiblir le secteur de la magistrature et le bon fonctionnement de la justice en Tunisie.
Elle a considéré, dans ce cadre, que l’octroi de la prérogative de convoquer la première réunion du CSM au président de l’ARP constitue une ingérence inappropriée de la part du pouvoir législatif dans les affaires de la magistrature et une atteinte flagrante aux principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice.
La CIJ a considère, en outre, que les amendements opérés excluent toute possibilité de faire appel ou de revoir la décision d’accorder au président de la chambre des députés la prérogative de convoquer le CSM à tenir sa première réunion. Cette démarche est, selon la CIJ, contraire au principe selon lequel «la justice a la compétence de réviser toute les décisions qui émanent des autres pouvoirs afin d’éviter d’éventuels abus de pouvoir ou application arbitraire du droit».
La CIJ a aussi indiqué, dans son communiqué, que la crise actuelle du CSM tunisien «n’est pas d’ordre juridique mais plutôt politique» et que sa résolution «ne nécessite pas, par conséquent, l’amendement de la loi, mais plutôt la soumission à la loi et le respect de la constitution».
Rappelons, à ce propos, que la CIJ est une ONG internationale pour la défense des droits de l’homme créée en 1952. Elle rassemble un groupe permanent d’éminents magistrats et avocats de différents pays du monde. Elle a notamment compté parmi ses sommités feu Bahri Guiga, l’éminent juriste tunisien, qui en était membre de 1971 à 1979, et Mary Robinson, l’ancienne commissaire des Nations unies pour les droits de l’Homme et ancienne présidente d’Irlande.
L’Association des magistrats tunisiens (AMT) semble ainsi trouver ainsi un appui de taille à sa revendication d’une résolution de la crise du CSM par les magistrats eux-mêmes. Reste à savoir qu’elle serait la réaction du président Caïd Essebsi à cette crise que le vote de mardi dernier à l’ARP n’a pas résolue mais compliquée davantage, en alimentant une polémique qui risque sérieusement de prendre de nouvelles dimensions.
Le président Caïd Essebsi, qui n’a jamais cessé d’exprimer son souhait de voir les magistrats trouver eux-mêmes une issue à la crise du CSM, ne peut rester indifférent à l’appel de la CIJ.
Reste à venir à bout des profondes divergences et des tiraillements qui traversent actuellement le secteur de la magistrature et opposent ses différentes structures représentatives. Ce qui ne sera pas une mince affaire, sachant que les pouvoirs exécutif et législatifs ont été contraints d’intervenir dans la crise face à l’incapacité des magistrats à s’entendre entre eux et à arriver à un compromis le dialogue et la négociations.
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