Tel qu’il est incarné par le parti Ennahdha, l’islam politique est aujourd’hui mort en Tunisie. Ce sont ses dirigeants mêmes qui ont accéléré sa fin par les erreurs, les dépassements et les abus, qu’ils ont cyniquement commis lorsque leur parti était aux commandes et même après qu’il ait quitté le gouvernement. (Ph. Mondher Ounissi et Noureddine Arbaoui).
Par Raouf Chatty *
Obsédés par le pouvoir et ses prébendes, les dirigeants du parti islamiste tunisien en ont finalement été victimes eux-mêmes. Ils n’ont pas été à la hauteur de la mission publique qui leur a été confiée en 2011. Ils ont naïvement cru que les Tunisiens, qui ont porté au pouvoir un parti se réclamant de l’islam, réfléchiront par deux fois avant de le sanctionner. Ils ont été aveuglés par leur excès de confiance, oubliant que les Tunisiens, à l’instar des autres peuples, n’ont qu’un seul amour : leurs intérêts et ceux de leurs enfants. Et lorsque leurs intérêts sont touchés, ils n’hésitent pas un instant, et agissent, de manière douce, pacifique et efficace, pour se débarrasser des personnes qu’ils avaient portées au pouvoir et de les en chasser sans états d’âme.
Les islamistes ont eu pour leur grade, le 25 juillet 2021, lorsque de larges franges du peuple se sont soulevées en masse à travers toute la république pour réclamer leur départ. Le président de la république a, le jour même, acté la suspension des activités du parlement dominé par les islamistes, inaugurant ainsi le processus de paralysie de leur mouvement et sa progressive sa déchéance.
Vaincus, déstabilisés, déboussolés, pris au piège dans leurs divisions, les dirigeants d’Ennahdha ont encaissé le coup et ils ont beaucoup de mal à s’en relever.
La page est tournée
Le pouvoir en place a su prendre le taureau par les cornes entamant le processus de démantèlement du mouvement. Il est vrai que le fruit était pourri et prêt à tomber. Aussi, les récentes tentatives pour ressusciter ce parti et lui donner un semblant de vie sont-elles vaines, car les Tunisiens ont définitivement rompu avec l’islam politique, après lui avoir donné une chance inespérée qu’il n’a pas su saisir.
Quant à l’agitation qui entoure depuis quelques jours les déclarations attribuées au président par intérim d’Ennahdha, Dr Mondher Ounissi, elle confirme les graves dissensions au sein d’un mouvement au bord de l’implosion. Qu’il réussisse à tenir son 11e congrès fin octobre, alors que ses dirigeants historiques sont en prison, poursuivis dans des diverses affaires, à commencer par Rached Ghannouchi et Ali Lararayedh, ou que ses querelles intestines finissent par l’emporter, pour les Tunisiens, l’affaire est entendue et la page est tournée.
* Ancien ambassadeur.
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