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Le sénat américain refuse l’augmentation de l’aide à la Tunisie

Caid-Essebsi-Barack-Obama

Le sénat des Etats-Unis rejette une substantielle augmentation de l’aide américaine à la Tunisie, «seule réussite du Printemps arabe.»

Par Marwan Chahla

Le département d’Etat américain et plusieurs groupes de discussions de la Chambre des représentants ont donné leur feu vert au doublement de l’assistance économique et militaire américaine à la Tunisie, que justifient amplement la tenue d’élections libres irréprochables, l’année dernière, et la montée de la menace terroriste. Les sénateurs, eux, ne semblent pas avoir été convaincus: la semaine dernière, la chambre haute du législatif américain a approuvé un projet de loi qui réduit de 50 millions de dollars l’aide que l’administration Obama a requise auprès des législateurs des Etats-Unis – c’est-à-dire une enveloppe totale de 134 millions de dollars.

«Tournant crucial du parcours tunisien»

Le mois dernier, les représentants, au contraire, n’ont pas hésité un seul instant pour voter en faveur de la proposition qui leur a été soumise par le département d’Etat. Et le groupe de discussion du Moyen Orient de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants s’est réuni, mardi 14 juillet 2015, avec un trio d’experts pro-démocratie qui ont tous plaidé la cause de l’augmentation de l’aide à la Tunisie.

«Nous venons de clore nos discussions, aujourd’hui. Il ressort de cette réunion un accord total sur l’importance absolue de notre aide à la Tunisie, en ce tournant crucial du parcours de ce pays», a déclaré Ted Deutch, le représentant démocrate de la Floride au site ‘‘Al-Monitor’’, à la sortie de cette conférence-débat de la chambre basse du législatif américain, insistant que «cette approche est la bonne et j’espère que le Sénat fasse de même et qu’il apporte son soutien à cette proposition.»

La requête du département d’Etat – et le projet d’aide étrangère de la Chambre des représentants – aurait augmenté de manière substantielle l’assistance des Etats-Unis à la bonne gouvernance économique et démocratique, portant celle-ci à 55 millions de dollars pour la prochaine année fiscale qui débute le 1er octobre prochain, contre les 30 millions de dollars en 2015. L’aide militaire aurait été plus que doublée, par rapport à l’an dernier, pour atteindre les 62,5 millions de dollars.

«La Commission (de l’aide étrangère de la Chambre des représentants, Ndlr) a pris note des étapes positives que la Tunisie a franchies sur la voie de la transition démocratique, mais elle a aussi tenu compte des menaces terroristes sérieuses auxquelles le pays est confronté», ont écrit les représentants dans le rapport de leur projet de loi adopté. «Ainsi, le montant de 134,4 millions de dollars que la Commission a alloué, qui est exactement ce que le département d’Etat a requis, cible le soutien à la transition démocratique en Tunisie, à la stabilisation de son économie, à faire face à l’instabilité et à renforcer la sécurité de ce pays», a expliqué Ted Deutch.

Les fonds accordés par le sénat américain, au contraire, n’augmenteraient l’aide économique et à la gouvernance qu’à la hauteur de 45 millions de dollars, c’est-à-dire à une dizaine de millions de dollars de moins que le département d’Etat avait requis. Le sénat garderait l’aide militaire quasiment au même niveau, à savoir à 30 millions de dollars – en dépit des attaques terroristes récentes que la Tunisie a subies, au musée du Bardo, en mars dernier, et à Sousse, il y a moins d’un mois.

Un petit pays de 11 ou 12 millions d’habitants…

Pour résumer, donc, la partie qui se joue aujourd’hui aux Etats-Unis sur cette question de l’aide de «la plus ancienne démocratie» à «la plus jeune démocratie» du monde n’est pas et ne sera pas facile. Au moins 2 acteurs aux appréciations différentes déterminent le sort de cette assistance et son niveau: l’exécutif et le législatif – pour simplifier, un président démocrate, Barack Obama, à une année de la fin de son 2e mandat à la Maison Blanche, et un Congrès américain bicéphale, à présent à coloration républicaine…

Pour simplifier, également: la Tunisie, au-delà de son emblématique success story démocratique et de berceau du Printemps arabe, demeure un petit pays de 11 ou 12 millions d’habitants…

Les mots gentils, les louanges, les standing-ovations et autres discours flatteurs de ce que la Tunisie a pu accomplir ne résistent pas à la dure réalité des parties de bras de fer que peuvent engager entre eux les exécutif et législatif américains et les véritables intérêts des Etats-Unis.

La beauté des principes et des valeurs que, désormais, la Tunisie et les Etats-Unis partagent est une chose, mais joindre le geste à la douce parole peut ne pas être facile, d’autant que l’administration Obama est convaincue d’avoir fait ce qui était en son pouvoir de faire – en tout cas, nettement bien plus que l’Europe, voisin immédiat de la Tunisie et son premier partenaire, dans divers domaines…

C’est là, très certainement, que les choses semblent «coincer» car, aux yeux de nombre de responsables américains, l’Union européenne (UE) se presse lentement à aller au secours de la Tunisie – et lorsqu’elle décide de le faire, elle le fait très souvent timidement.

En somme, comprenons que notre démocratie naissante devra apprendre à compter sur elle-même et seulement accessoirement sur une aide qui dépend des hauts et des bas d’une administration américaine et d’une tumultueuse crise grecque qui tourmente profondément une UE qui n’a plus cessé de marcher sur la tête depuis quelques années déjà…

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