Tant que les hommes politiques n’auront pas compris que l’ennemi de la Tunisie sont les islamistes et leur sponsor l’émir du Qatar, la Tunisie poursuivra sa descente aux enfers.
Par Rachid Barnat
«L’économie, ce n’est pas seulement de la technique, ce sont des arbitrages au service d’une vision politique. Comment deux partis aussi différents pourraient-ils se mettre d’accord sur un programme?», s’interrogeait à juste titre Radhi Meddeb, à propos de la coalition contre-nature constituée par Nidaa et Ennahdha.
Il faut commencer par désigner le véritable ennemi de la Tunisie qui la ronge de l’intérieur jusqu’à infiltrer les partis dits «progressistes».
Beaucoup de Tunisiens qui combattent l’obscurantisme, sont déçus par Béji Caïd Essebsi et Nidaa Tounes qui promettaient de les débarrasser de Rached Ghannouchi et de sa bande islamiste.
Devant le pouvoir de corruption des «progressistes» à la petite semaine, par les Frères musulmans, il serait temps que ceux qui désirent réellement arrêter les dégâts, de prendre des résolutions claires et de pactiser avec ceux qui ont ce même désir de dégager les islamistes.
Voici un pacte qui pourrait servir de base à rallier ces partis qui veulent poursuivre l’oeuvre civilisationnelle de feu Habib Bourguiba.
Le constat:
Personne ne peut sérieusement contester que la Tunisie, après ces quelques années de changement, vit une crise sérieuse qui entraîne un découragement et, peut-être, bientôt une révolte de certains.
Cette crise a un triple aspect : économique et social, démocratique et de civilisation.
1 – Sur le plan économique et social les événements et les politiques menées ont conduit à une perte d’activité, notamment dans le domaine du tourisme; à une élévation des prix à la consommation; à un développement du chômage et notamment de celui des jeunes, même diplômés; à une raréfaction des investissements, notamment étrangers; et donc à une baisse du pouvoir d’achat qui s’accompagne d’une grande pauvreté et à une perte de valeur de la monnaie nationale.
Il est clair que si cela continue dans le même sens, il est à craindre des révoltes dont on a senti déjà quelques prémices.
Il faut rajouter que pas grand-chose n’a été fait pour, à terme, réduire significativement la disparité entre la région des villes côtières et l’arrière-pays.
On pourra toujours discuter tel ou tel terme de cette analyse mais qui pourrait sérieusement contester la validité générale de ce constat.
2 – Sur le plan de l’autorité de l’Etat et de la démocratie, les deux dernières années, notamment, ont fait éclater une grave crise de confiance. L’alliance de Nidaa Tounes et des islamistes d’Ennahdha, contrairement à ce qui avait été dit avant les élections, a gravement affecté la confiance des tunisiens qui ont vu dans cette politique une véritable trahison de leur vote et se trouve dès lors tentés par l’abstention et le désintérêt.
S’est ajouté à cela la multiplication anarchique et, à la limite du ridicule, de très nombreux partis politiques dont on voit mal, à part l’ego de ses dirigeants, leur réel et original positionnement.
Les conflits, quelques fois déraisonnables entre syndicats employeurs et syndicats de travailleurs, a perturbé la production économique et les investissements et n’ont pas été sans influence sur la crise économique décrite plus haut.
3 – Enfin, il est indiscutable que le pays se trouve confronté à une véritable crise de civilisation entre une partie de sa population qui s’est tourné vers un Islam politique porteur de régression sur le terrain des libertés, des droits de la femme et de l’ouverture aux autres et une autre partie qui voudrait que le pays continue la marche vers le progrès qu’avait initié le président Bourguiba en développant les libertés et le droit des femmes et en cantonnant la religion dans la sphère privée.
Face à cette crise, dont beaucoup accepteront l’analyse, il s’agit de se demander quelle est la solution à choisir en ayant bien à l’esprit que TOUT SE TIENT et que, notamment le développement économique et l’investissement ne viendront que si l’on a une démocratie forte, un état, des syndicats et des partis responsables.
Régler d’abord la crise de civilisation :
Il est absolument clair que rien ne sera possible tant que les Tunisiens, par un vote clair, n’auront pas tranché entre progressistes et islamistes. Il y a là, en effet, deux conceptions totalement opposées de l’avenir du pays.
Si la religion continue d’être instrumentalisée par un ou des partis politiques, l’union nécessaire des Tunisiens pour faire avancer le pays ne pourra exister. Les dirigeants qui utilisent la religion connaissent toujours et inévitablement des dérives autoritaires qui portent atteintes aux libertés fondamentales et se mêlent de la vie personnelle des gens. Il n’y a qu’à voir les évolutions en Iran et en Turquie et se rappeler de la politique que voulaient mener les Frères musulmans en Egypte comme celle que tentent d’imposer ceux d’Ennahdha en Tunisie.
Les Tunisiens, et donc avant eux les différents partis, doivent se positionner clairement sur cette question. Le pacte devrait réunir tous ceux qui veulent clairement interdire les partis fondés sur la religion. C’est un préalable absolument fondamental car on a bien vu ce que les «accommodements», les «consensus» ont donné comme résultats.
Le Pacte dira donc clairement que le but de ses adhérents est, à terme, de modifier la Constitution pour interdire les partis qui se fondent sur la religion.
Régler la crise de la démocratie et de l’Etat :
La Constitution a choisi un mode électoral sous la pression des islamistes qui ne permet pas de dégager une réelle majorité. Ce mode électoral entraîne la division entre de nombreux partis et ne permet pas la mise en place d’un réel programme de gouvernement ; puisque faute de majorité claire il faut, comme cela a été seriné, parvenir au «consensus» c’est-à-dire à un programme qui est mi chèvre mi-choux.
Or, démocratie ne signifie pas impuissance et demi mesures. Il faut, au contraire que le mode électoral en donnant une prime au parti arrivé en tête, lui permette de mener sa politique sans avoir besoin d’obtenir l’accord des autres formations. Ensuite et c’est cela la démocratie, s’il n’a pas réussi ou convaincu, il sera éliminé aux prochaines élections par le mécanisme de l’alternance.
Le Pacte dira donc clairement qu’il faudra modifier le mode électoral et permettre l’émergence d’une réelle majorité.
Le règlement de ces deux crises est un préalable à la sortie de crise car le pouvoir ainsi élu, aura les mains libres pour choisir et appliquer sa politique.
Pistes pour régler la crise économique :
On peut penser que les signataires du Pacte pourraient se mettre d’accord sur certains principes.
Le premier d’entre eux est que l’économie a un besoin essentiel : celui de la confiance en l’avenir, de la confiance en l’Etat de droit et confiance dans la sécurité du pays.
Les investisseurs tunisiens ou étrangers n’investiront que s’ils ont confiance en l’Etat de droit; c’est-à-dire, s’ils savent quelles sont les règles applicables, qu’elles ne changeront pas tous les six mois et que l’administration et la justice les appliqueront.
Cela signifie que le pouvoir doit s’atteler à la réforme de la Justice qui a perdu la confiance des Tunisiens, continuer sa lutte contre la corruption qui est le contraire de l’Etat de droit et affirmer clairement une plus grande liberté d’entreprendre et de s’installer avec des règles fiscales claires.
Les signataires du Pacte pourraient s’entendre (certains devant faire un effort de réalisme en ce domaine) pour dire que ce n’est que si l’économie fonctionne bien, s’ouvre largement aux investissements et réussit à créer de la richesse, que de la redistribution pourra intervenir.
Si l’économie stagne ou régresse, malgré toutes les bonnes volontés du monde, elle ne produira pas grand-chose et rien ne pourra être redistribué.
Voilà le cadre général sur lequel devront se mettre d’accord tous les partis et les citoyens qui partagent ces analyses et ces bases. Une fois cela réalisé, les priorités devront être un effort considérable pour l’éducation depuis la base jusqu’à l’université car il n’y aura de développement dans les pays que par l’éducation.
Cette plateforme pourrait être acceptée et signée par tous les partis qui seraient d’accord sur ces grands objectifs et les considéreraient comme essentiels pour résoudre les crises du pays. Ces partis pourraient, dans ce cadre et sous réserve de ces priorités, développer leur propre projet mais, au moins, les électeurs sauraient ce qui les uni et quelles priorités ils ont.
NB : Il y a actuellement Abir Moussi qui le proclame haut et fort qu’il faut juger Ghannouchi et ses hommes pour le financement de leur parti par le Qatar… et par la même d’interdire Ennahdha.
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