Projeté en première tunisienne, le lundi 5 novembre 2018, au Colisée, devant une salle comble et un public conquis, ‘‘Fatwa’’, le dernier long-métrage de fiction du cinéaste tunisien Mahmoud Ben Mahmoud explorer le processus de radicalisation des jeunes arabes.
Par Fawz Ben Ali
‘‘Fatwa’’ fait partie de la compétition officielle des longs-métrages de fiction des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2018), ouvertes samedi dernier. Il a été le premier film tunisien que le public a découvert après un début prometteur avec des films maghrébins et africains.
Mahmoud Ben Mahmoud, qui a toujours eu un penchant pour le genre documentaire, signe une fiction bouleversante autour de l’islamisation des jeunes tunisiens, six ans après la sortie de son film culte ‘‘Le professeur’’ (2012).
Sur les traces d’un fils djihadiste
Le cinéaste tunisien, qui avait d’abord présenté son film en première mondiale au Festival de Gand de Belgique, était présent à la salle Le Colisée accompagné de l’équipe artistique et technique du film qui réunit Ghalia Benali, Ahmed Hafiane, Jamel Maddani, Sarrah Hannachi…
Le film raconte l’histoire d’un couple divorcé qui se retrouve après la mort de leur fils unique. Brahim joué par Ahmed Hafiane, qui vit en France, rentre en Tunisie après avoir appris la mort de son fils Marwen dans un accident de moto. Avec son ex-femme jouée par Ghalia Benali, ils découvrent que Marwen faisait partie d’une organisation djihadiste.
Le film poursuit l’enquête de ce couple de parents qui tentent d’élucider l’énigme de l’islamisation de leur fils et de sa mystérieuse mort. Retour en 2013 après l’assassinat de Chokri Belaïd et puis de Mohamed Brahmi, où l’on ne prenait toujours pas au sérieux le danger que représentaient les salafistes.
Ainsi, ‘‘Fatwa’’ se présente comme un film très sombre mettant en avant toute la violence qu’on avait connue après la révolution du 14 janvier 2011, et dont sont responsables en premier lieu les groupes d’islamistes qui menaçaient l’ordre général et l’identité tunisienne.
Le film met en scène la vraie face des réseaux islamistes nés après la révolution, dans leur violence quotidienne et leur hostilité envers les femmes, notamment celles qui refusent de se soumettre à leur idéologie.
Le combat d’une femme contre les obscurantistes
Le personnage de Ghalia Benali contrebalance l’esprit de mort omniprésent dans le film. L’actrice et chanteuse retrouve le grand écran après ‘‘A peine j’ouvre les yeux’’ (2015), signant un nouveau rôle de prestige puisqu’elle incarne la lutte et l’envie de vivre.
Malgré le deuil et la profonde douleur par laquelle elle est passé, cette mère de famille et militante progressiste tient tête jusqu’au bout aux forces obscurantistes. Universitaire et députée féministe, elle fait l’objet d’une fatwa émise par des salafistes pour avoir publié un livre sur leurs manigances. Et le film expose d’ailleurs clairement le processus de radicalisation que mènent les islamistes pour attirer nos jeunes dans leurs réseaux, sous l’œil négligeant des politiques et des forces de l’ordre.
Mahmoud Ben Mahmoud et son équipe.
L’enquête dans ce film est d’ailleurs menée par les parents de la victime alors qu’elle a été vite abandonnée par la police qui a préféré classer l’affaire comme un simple accident.
Dans la noirceur des événements, ‘‘Fatwa’’ sonne l’alarme pour dire que même les jeunes issus des familles aisées et intellectuelles ne sont pas à l’abri de l’endoctrinement tout comme le personnage principal Marwen qui s’est trouvé coincé dans un cercle vicieux et dont la tentative d’échappement lui a coûté la vie.
Après le thriller psychologique ‘‘Vent divin’’ de Merzak Allouache projeté à la première journée des projections, ‘‘Fatwa’’ continue d’explorer le processus de radicalisation des jeunes arabes, car après la décennie noire qu’avait connu l’Algérie dans les années 90, la question du terrorisme est plus que jamais universelle, et le cinéma est toujours là pour évoquer cette inquiétude, sans tomber dans le spectaculaire des films d’action.
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