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Quand les dirigeants d’Ennahdha bombent le torse, sachez qu’ils sont dans de mauvais draps

Les dirigeants d’Ennahdha, au pouvoir depuis plus de dix ans et, donc, les principaux responsables de la crise générale sévissant actuellement en Tunisie, ont tendance à monter au créneau et à bomber le torse à chaque fois où ils se sentent dans le pétrin, comme ces derniers temps, alors que la Tunisie est au bord de la banqueroute et que des nuages s’amoncellent dans le ciel annonçant une tempête sociale imminente, dont ils seront, on l’imagine, les principales cibles.

Par Raouf Chatty

C’est le cas d’Abdelkrim Harouni, qui est monté de nouveau au créneau, hier, dimanche 13 juin 2021, en lançant, devant le président et de hauts responsables du parti Ennahdha, une véritable mise en garde aux détracteurs du mouvement islamiste, soit, rappelons-le, des centaines de milliers de Tunisiennes et de Tunisiens qui ont ras-le-bol de leur gouvernance catastrophique.

Ennahdha en très mauvaise posture

Se voulant droit dans ses bottes, déterminé voire très menaçant, le président du Conseil de la Choura d’Ennahdha a clairement indiqué, dans une allocution préparée pour la circonstance et destinée à tous ceux qui, selon lui, travaillent dur pour marginaliser les Nahdhaouis voire rayer Ennahdha de la carte politique tunisienne, que c’était peine perdue, martelant l’idée que les islamistes sont forts, incontournables et ont montré qu’ils sont présents sur le terrain et qu’ils y surpassent tout le monde, dans une nette allusion à la manifestation conduite il y a trois mois par son parti au centre-ville de Tunis et pour laquelle Ennahdha avait mobilisé des milliers d’adhérents et de sympathisants ramenés par des bus entiers de toutes les régions de la république.

De tels propos ne sont ni anodins ni fortuits dans le contexte de très grande tension que vit le pays depuis des mois, frappé par une crise institutionnelle, politique, économique et sociale sans précédent, sur fond de profondes divergences entre le président de la république Kaïs Saïed, d’une part, et d’autre part, le président du parlement, Rached Ghannouchi, et son protégé, le chef du gouvernement Hichem Mechichi, sur la répartition des prérogatives et l’exercice du pouvoir.

Par ailleurs, ni les circonstances, ni le timing, ni le ton musclé du discours, ni les mots choisis pour l’occasion ne doivent nous tromper. Ennahdha a choisi de répondre de cette façon musclée au président de la république, qui, il y a quelques jours, avait adressé au président du parlement et président du parti islamiste des critiques violentes lors de l’audience où il reçut, micro ouvert, le chef du gouvernement et la ministre de la Justice par intérim, Hasna Ben Slimane, pour les sermonner à propos des graves dysfonctionnements enregistrés ces derniers temps et qui se sont traduits par de graves dérapages des pouvoirs publics.

Dix ans d’errements

Ce bombage du torse ne trompera personne, car au-delà de la volonté d’envoyer des messages vaguement rassurants aux partisans d’Ennahdha, qui commencent à s’interroger sérieusement sur l’avenir de leur mouvement, il traduit, en réalité, le désarroi gagnant les rangs d’Ennahdha, aujourd’hui en très mauvaise posture, eu égard le blocage du système politique, causé par la Constitution de 2014, dont ils sont les principaux architectes, et la crise générale dans le pays induite par leurs propres politiques, sachant qu’ils gouvernent, directement ou indirectement, la Tunisie depuis plus de dix ans et sont, par conséquent, les principaux responsables de la situation déplorable où le pays se trouve actuellement, c’est-à-dire au bord de la banqueroute, avec des nuages qui s’amoncellent dans le ciel annonçant une tempête sociale imminente.

Le sentiment que la Tunisie arrive au terme d’un cycle historique qui a bien commencé, en janvier 2011, par une révolution ayant donné l’espoir en un avenir prospère, avant de sombrer, dix ans plus tard, dans la gabegie, la pauvreté et le désespoir, est désormais largement partagé, y compris au sein même d’Ennahdha, parti vieillissant, lui aussi en fin de cycle et qui, confronté aux réalités de l’exercice du pouvoir, a prouvé qu’il ne se distingue en rien de tous les autres ayant conduit le pays au cours des 70 dernières années, se montrant très soluble dans la corruption, le népotisme et le clientélisme.

* Ancien ambassadeur.

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