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Tunisie: Un observatoire anti-drogue pour quoi faire ?

DrogueLa Tunisie cherche à affiner sa stratégie de lutte contre les stupéfiants et la toxicomanie en mettant en place un Observatoire national sur les drogues et les addictions.

Par Wajdi Msaed

Une table-ronde traitant de la création d’un Observatoire national sur les drogues et les addictions s’est tenue, les 20 et 21 mai 2015, sous l’égide du ministère de la Santé et en collaboration avec le réseau Med-Net et le Groupe Pompidou (Groupe de Coopération pour la lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants), relevant du Conseil de l’Europe.

Cette rencontre a regroupé une pléiade d’experts nationaux représentant les départements concernés (Santé, Justice, Intérieur, Jeunesse, Femme et Enfance,  Enseignement supérieur) et internationaux représentant des instances européennes et des pays frères et amis tels le Maroc, l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, la Palestine, la France, le Portugal, Chypre, Malte.

Des témoignages pour baliser la voie

Des témoignages sur des expériences ayant déjà fait du chemin ont été présentées en vue d’enrichir la réflexion, approfondir le débat et défricher le terrain devant la partie tunisienne et l’aider à mettre en place son observatoire, encore en phase projet et qui,  comme l’a souligné Nabil Ben Salah, directeur général de la Santé, dans son allocution d’ouverture des travaux, «bénéficie de toute la sollicitude» de son département, qui «sera attentif aux débats et ne manquera pas de prendre en considération les recommandations qui en découlent pour affiner la stratégie nationale de lutte contre les stupéfiants et la toxicomanie en cours d’élaboration avec l’ensemble des parties prenantes».

Ce projet a été présenté et analysé dans ses grandes lignes et sous ses différents aspects, juridique, administratif, organisationnel et structurel. Sa concrétisation demeure tributaire,  entre autres, d’une loi qui doit être abrogée. Il s’agit de la loi 92-52, soumise déjà à la révision, et dont l’objectif primordial est de «considérer l’addict comme un malade» qu’il faut soigner et entourer de toute la protection médicale, psychologique, sociale et autre. La Tunisie souhaite ainsi opérer un changement de vision quant au statut du consommateur afin de lui garantir une prise en charge médico-psycho-sociale.

Eu égard à cette démarche curative rapprochant davantage les soins des toxicomanes, des centres d’accueil et d’écoute ont ouvert leurs portes, l’année dernière, à Bizerte, Nabeul et dans le grand Tunis. L’initiative sera «progressivement généralisée» pour toucher toutes les régions de la République.

Dans ce contexte les efforts déployés par les addictologues ont été salués et un hommage a été rendu au tissu associatif pour sa contribution dans la  prise en charge des toxicomanes  et de leur entourage.

L’observatoire est une nécessité

L’assistance est unanime sur l’opportunité de mettre en place Observatoire national sur les drogues et les addictions, compte tenu du rôle qui lui est dévolu dans la récolte d’informations, la coordination entre les parties intervenantes et la définition de la stratégie à adopter par les autorités publiques pour endiguer le fléau des stupéfiants.

Le constat de la situation qui prévaut dans le pays révèle, comme l’a signalé Hager Skhiri, professeur en médecine préventive, que «la surveillance épidémiologique, un maillon fondamental, demeure insuffisante et que le manque de coordination entre trois parties essentielles (ministères, Ong et société savante) ne permet pas d’analyser comme il se doit la réalité des choses».

Une première enquête

Une première enquête, réalisée en Tunisie en 2013, a constitué une approche originale et pertinente en matière de surveillance épidémiologique de l’usage des drogues et de la toxicomanie dans le pays. Elle a permis d’avoir une idée plus claire sur l’ampleur du problème de consommation de drogue chez les adolescents scolarisés âgés de 15 à 17 ans et sur certains facteurs associés. Le pourcentage est de 2,1% contre 5,8% pour l’alcool et 22,2% pour le tabac

Il va sans dire que l’enquête demeure le mécanisme de première importance dans  le travail de l’observatoire car «il faut se baser sur l’évidence scientifique pour aider les politiques dans leurs prises de décision».

Notons que le Groupe Pompidou est un organe intergouvernemental créé en 1971 à l’initiative de Georges Pompidou, alors président de la République française.

Au départ, ce forum informel réunissait 7 pays européens – France, Belgique, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays Bas, Royaume Uni – décidés à mettre en commun leurs expériences dans le domaine de la lutte contre l’abus et le trafic de stupéfiants. La coopération est progressivement étendue à d’autres pays.

En 1980, le Groupe Pompidou est intégré au Conseil de l’Europe. Aujourd’hui il réunit 35 Etats membres.

A partir de 1990, la coopération s’étend également à des pays d’Europe centrale et orientale qui ne sont pas membres. En outre, des pays non européens, comme le Canada, les Etats-Unis, l’Australie et le Mexique, sont invités à participer à certaines activités. Il en va de même pour d’autres instances internationales telles que l’Union européenne, la Commission européenne et l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

Depuis 2006, le Groupe développe par ailleurs des activités de coopération entre et avec des pays non membres du pourtour méditerranéen, dont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Liban, l’Egypte et la Jordanie.

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