La «régularisation» pourrait être une solution pour la récupération par la Tunisie de l’argent spolié par Ben Ali, sa famille et ses proches.
Cette alternative a été évoquée, pour la première fois, par le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari, lors d’une audience, lundi 29 juin 2015, par la Commission de la réforme administrative, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).
Il s’agirait, selon M. Ayari, de parvenir à la restitution de l’argent spolié, en contrepartie de l’arrêt des poursuites judiciaires à l’encontre des personnes concernées.
«Ceci nécessite une décision politique», s’est-il, cependant, empressé d’ajouter, conscient de la forte opposition qu’une telle proposition pourrait rencontrer auprès des tenants d’une justice transitionnelle revancharde et jusqu’au-boutiste.
Tout en reconnaissant les difficultés rencontrées au niveau du suivi judiciaire des dossiers relatifs à l’argent spolié, qui n’a pas abouti, jusqu’à présent, à des résultats concrets, le gouverneur de la BCT a ajouté que l’activité de la Commission nationale pour la restitution de l’argent spolié déposé à l’étranger, relevant de son institution, devrait revêtir, elle aussi, une dimension politique et être mise sous la houlette de l’une des trois présidences (de la république, du gouvernement ou de l’assemblée).
Cette commission a achevé ses activités, le 15 mars 2015, au terme d’une mission de 4 ans, et le décret-loi relatif à sa création stipule que les dossiers qu’elle a traités soient transférés au ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières. Or, ce dernier a demandé, à la lumière des difficultés rencontrées lors de l’examen de ces dossiers, de modifier ce décret-loi pour permettre de prolonger les activités de ladite commission présidée par la BCT.
M. Ayari a précisé que le bureau du secrétaire général qatari désigné par l’Instance des Nations Unis pour la lutte contre la corruption pour aider les pays du printemps arabe à récupérer leur argent spolié, a déjà proposé à la Tunisie cette option de la régularisation, sachant que la poursuite du traitement judiciaire des dossiers à travers les bureaux d’avocats internationaux demande encore du temps. Et donc aussi de l’argent !
Un rapport de la Commission nationale pour la récupération de l’argent spolié, distribué au cours de la séance d’audition, souligne que le ministère de la Justice n’a pas mis à sa disposition un juge à plein temps, bien qu’elle en ait fait la demande à maintes reprises.
Le rapport indique que la Tunisie a récupéré, jusque-là, deux avions en 2011 (rapatriés de la Suisse et de la France) et deux yachts en 2013 (Italie et Espagne) et un compte bancaire (Liban).
Les comptes bancaires ouverts par les membres du clan Ben Ali en Suisse, France, Canada, Emirats arabes unis et Luxemburg sont encore gelés, et font l’objet d’un suivi judiciaire en Tunisie, indique le même rapport.
Rappelons que le dossier des biens confisqués est géré par 3 commissions: la Commission nationale chargée de la confiscation (ministère des Domaines de l’Etat), la Commission de récupération de l’argent spolié déposé à l’étranger (BCT) et la Commission de gestion des biens confisqués (ministère des Finances). On imagine les complications administratives et les querelles de prérogatives…
I. B. (avec Tap).
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