Malgré les attaques dont son économie et sa sécurité ont fait l’objet, ces dernières années, la Tunisie est restée debout et regarde l’avenir avec espoir.
Par Fadhel Mokrani*
Il faut le dire sans détour, le chemin que la Tunisie doit remonter pour se débarrasser de ses démons est, malheureusement, très long. Cela ressemblera à une suite de séances d’exorcisme qui prendront beaucoup de temps. Notre petit pays ne peut, en effet, se permettre les soubresauts ni les grands bouleversements et encore moins les coups d’Etat.
L’économie dans le collimateur des extrémistes
Le général Rachid Ammar, ancien chef d’état-major interarmes, a dit un jour, avec beaucoup de justesse, que la Tunisie ressemble à ce travailleur manuel qui vit au jour le jour. Sans réelles ressources naturelles, notre pays vit à fil tendu, sans marges de manœuvre. Qu’on bloque la production de phosphate un mois et le PIB s’en ressent. Qu’un illuminé tire sur des touristes dans un hôtel et le secteur du tourisme, tout entier, est paralysé et 400.000 employés sont menacés de chômage.
Nous n’avons que notre intelligence, notre travail, notre cohésion sociale et notre capacité à résister et à encaisser les coups, comme stratégie à opposer aux forces du mal. Les démons extrémistes le savent et agissent de manière à saper notre unité et à paralyser notre force de travail. Ils ne cesseront de comploter pour arriver à bout de notre résistance. Ils ont jusque-là agi, en priorité, sur les secteurs les plus sensibles et les plus susceptibles de saper la muraille Tunisie : le transport, les mines et pétrole et le tourisme.
Rappelons-nous des tentatives de vendre Tunisair à Qatar Airways, puis la création, en un temps record, d’une compagnie aérienne privée, Syphax Airlines (locale au début, puis autorisée à opérer au départ de tous les aéroports nationaux et qui raflera l’exploitation de la ligne Tunis-Montréal au nez et à la barbe de Tunisair ).
Puis les scandales de la paralysie de la société de catering, les vols de bagages des passagers de la compagnie nationale, l’ouverture suspecte de la ligne d’Erbil, dans le Kurdistan irakien, les problèmes de Transtu et des taxis qui devaient être aggravés par la mise en circulation de milliers de Tuk-Tuk, les grèves sauvages dans les chemins de fer, la paralysie totale de la SNCFT et les accidents ferroviaires…
Dans les secteurs minier et énergétique, on a enregistré, ces dernières années, plusieurs faits suspects, comme la tentative de vente du gisement de phosphate de Sra Ouertene aux Qataris; le blocage total, pendant des mois, de l’exploitation du phosphate et la fermeture des usines du complexe chimique de Gabès, ce qui a entraîné des pertes énormes aux chemins de fer – encore le transport –… Souvenons-nous aussi des sit-in répétitifs devant les entreprises pétrolières et de production de gaz, la fermeture de certains sites, la nouvelle raffinerie de Skhira promise au Qatar et, pour finir, la campagne haineuse de ‘‘Winou El-pétrole’’…
Le secteur touristique, déjà en crise structurelle et à la recherche d’un nouveau souffle, a été à genou après les attaques terroristes contre le musée du Bardo et l’hôtel Riu Impérial Marhaba à Sousse, qui ont fait des dizaines de morts…
En d’autres termes, trois secteurs clefs de l’économie tunisienne ont été attaqués de front avec une volonté, chaque fois affirmée, d’aller jusqu’au bout du sale boulot. Le but est de mettre à genoux l’Etat tunisien, qui finirait par lever le drapeau de la reddition. Un drapeau aussi noir que les desseins obscurantistes que réservent les traîtres à l’avenir de nos enfants.
La Tunisie résiste et reste debout
Bien sûr, d’autres secteurs ont souffert de ce plan machiavélique, à l’instar de l’enseignement, de la gestion des municipalités, des mosquées, etc.
Ces mouvements, sans effets économiques immédiats, servaient plus à étouffer le travail gouvernemental qu’à le paralyser.
Toutes ces manœuvres ont été menées en concomitance avec des coups de boutoir menés, ça et là, pour saper le moral d’une population fatiguée, déjà harassée et harcelée à longueur de semaines et pendant 3 ans par le régime de l’insupportable «troïka».
Une fusillade, un faux député par-ci, une mine qui déchiquette nos soldats par-là. Un mufti qui refuse la poignée de main d’une Pdg par-ci, un imam qui continue à mobiliser et à embrigader ses ouailles pour le jihad, par-là. Un avocat «droit-de-l’hommiste», qui fait compagne en faveur des terroristes, au nom des libertés individuelles, par-ci, des députés (toujours les mêmes) qui s’opposent à tout et à tous, par-là…
Et pourtant, la Tunisie résiste et se maintient debout et jalouse de ses acquis. Enclavée entre les deux plus grands pays du continent et de surcroît très riches, elle semble fragile et belle comme la dentelle mais aussi solide et brillante que la porcelaine. Elle tend la main et cherche son salut dans cette mer Méditerranée, qui l’a vu naître, 3000 ans plus tôt.
Les Tunisiens possèdent, de ce point de vue, le caractère singulier des peuples îliens, souvent sans ressources naturelles, profondément solidaires et qui puisent leurs forces dans leur cohésion sociale et leur travail. Et comme tous les îliens, leur regard est dirigé vers la mer et les marins et non au désert et aux chameliers.
Les apôtres de Mohamed Abdelwahab se sont assurément trompés de pays et de peuple. Leur influence disparaîtra définitivement le jour où ils l’auront compris. Ils mettront du temps à le savoir, on se chargera d’écourter leur bêtise. Continuons, nous sommes sur la bonne voie.
* Cadre retraité.
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