Le recul de la Tunisie dans le classement mondial de la compétitivité de Davos appelle les autorités à accélérer la mise en oeuvre des réformes structurelles.
Par Wajdi Msaed
Pour la 3e année consécutive, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), partenaire local du Forum économique mondial de Davos, a organisé, mercredi, à son siège, à Tunis, une conférence de presse pour présenter le rapport annuel sur la compétitivité mondiale et le classement de la Tunisie parmi les 140 pays retenus.
Douze piliers de compétitivité
C’est Faycel Derbel, vice-président et porte-parole de l’IACE, qui a procédé à la présentation de ce rapport. Il n’a pas manqué de déplorer le recul enregistré par la Tunisie, qui est passée de la 87e place (2014-2015) à la 92e (2015-2016) avec un indice global de compétitivité évalué à 3,93.
Cet indice inclut 114 indicateurs composant les 12 piliers de la compétitivité pris en considération dans l’appréciation de la situation économique des pays étudiés: les infrastructures, les institutions, la santé et l’éducation primaire, l’enseignement supérieur et la formation, la stabilité macro-économique, l’efficience du marché des biens, l’efficience du marché de travail, la sophistication du marché financier, l’aptitude technologique, la taille du marché, la sophistication des affaires et enfin l’innovation
Passant en revue ces différents piliers, M. Derbel a mis l’accent sur les 5 facteurs qui ont affecté le plus le classement de la Tunisie.
Le 1er concerne l’efficience du marché du travail, à savoir la qualité des relations sociales, la flexibilité dans la détermination des salaires, la rigidité en matière de recrutement et de licenciement et la corrélation salaires-productivité.
2e facteur : le terrorisme, qui a mis notre pays à rude épreuve, en affectant la dynamique d’investissement intérieur et extérieur et la disposition des bailleurs de fonds à l’égard de notre pays.
Le 3e facteur évoqué par M. Derbel concerne le système financier et bancaire, qui n’évolue pas à un rythme lui permettant de dégager les capitaux nécessaires à la croissance économique génératrice d’emplois.
Parlant du 4e facteur, relatif à la transparence et à la bonne gouvernance, le vice-président de l’IACE a précisé que le rapport de Davos souligne la faible efficacité des organes de gestion, en l’occurrence les conseils d’administration et les organes de contrôle, d’audit et de reporting, alors que «la Tunisie a été une pionnière dans la région en matière de formation en audit et reporting», a-t-il rappelé. Il a signalé, aussi, dans ce même contexte, 3 autres maux : les payements illégaux, la corruption et la lourdeur des procédures douanières.
Le 5e facteur de compétitivité concerne l’innovation et l’avance technologique. Les capacités d’innovation de la Tunisie la positionnent au 109e rang mondial, la qualité de ses institutions de recherches scientifiques au 111e, le partenariat universités-entreprises en recherche et développement 116e et la connexion des écoles à l’internet au 112e. Que du chemin reste à faire !
Une image de marque à redorer
Plusieurs questions ont été soulevées par l’assistante et se sont rapportées à la procédure d’évaluation, à l’impact du marché parallèle sur l’économie nationale et à la répercussion du classement de compétitivité de Davos sur l’image de marque du pays en général et son attractivité économique en particulier. On a aussi parlé de l’importance des ressources humaines et de la nécessité d’améliorer continuellement leurs capacités et leurs compétences.
En réponse à ces questions, M. Derbel a admis que le commerce parallèle a favorisé le recul du classement de la Tunisie, «mais nous ne devons pas perdre de vue les éléments ayant favorisé le développement de ce fléau», a-t-il précisé. «Une bonne réforme fiscale pourrait aider à y faire face et à améliorer le classement de la Tunisie, qui ne traduit pas réellement le potentiel de notre économie et de nos compétences», a-t-il ajouté.
L’impact du classement de Davos sur l’image de marque du pays est, on s’en doute, très négatif et il n’est pas de nature à favoriser la relance de l’investissement extérieur. Aussi, a expliqué M. Derbel, «sommes-nous appelés à renverser la donne, en mettant en oeuvre les réformes qui s’imposent avec toute la célérité requise».
Quand on sait que l’enquête pour la réalisation du rapport 2015-2016 a été menée en mars 2015, c’est-à-dire avant l’attaque terroriste de Sousse, survenue le 26 juin, on peut craindre que l’évolution négative de l’économie tunisienne depuis cette attaque affectera gravement les indicateurs de la Tunisie pour 2016-2017.
L’homme, une valeur sûre
«La perception d’un pays qui avance à travers les réformes qu’il entreprend n’a-t-elle pas un impact très positif sur son classement dans le rapport de compétitivité mondiale?», s’est interrogé Ahmed Bouzguenda, président de l’IACE, question qui contient, en elle-même, la réponse. En d’autres termes : le gouvernement serait bien inspiré d’accélérer l’adoption des nombreux projets de lois relatifs aux réformes structurelles (bancaire, fiscale, douanière, énergétique, code d’investissement, etc.).
M. Bouzguenda a aussi insisté sur la valorisation des ressources humaines par la formation continue et la stabilité sociale par le dialogue, mais, a-t-il tenu à préciser, «le dialogue social ne doit pas se focaliser uniquement sur les augmentations des salaires», faisant ainsi allusion à la querelle actuelle entre l’UGTT et l’Utica, la centrale syndicale exigeant des augmentations salariales exclusivement indexées sur l’évolution du taux inflation, alors que la centrale patronale insiste sur la nécessité d’augmenter la productivité des entreprises, principal vecteur de compétitivité.
«Nous devons opter pour un consensus national qui met l’intérêt suprême du pays au-dessus de toute autre considération, corporatiste ou individuelle», a conclu M. Bouzguenda.
Donnez votre avis