Un atelier sur la propriété intellectuelle et les barrières à l’accès aux médicaments se tiendra du 16 au 18 novembre 2015, à Tunis.
Le 13 octobre 2015, l’Union européenne et la Tunisie ont officiellement ouvert les négociations pour la signature d’un Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca). Le premier round des négociations s’est déroulé entre 19 au 23 octobre 2015.
L’Association tunisienne de lutte contre les MST et le Sida (ATL MST Sida Tunis) et La Coalition internationale pour la préparation aux traitements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (ITPC-Mena) s’inquiètent des conséquences des dispositions relatives à la propriété intellectuelle contenues dans cet accord et de leurs conséquences sur la santé publique en Tunisie.
Des négociations entourées d’opacité
«Nombreux sont aujourd’hui les pays qui négocient des accords commerciaux avec l’UE. Pourtant, loin d’encourager les économies nationales, ces accords comportent de nombreuses mesures néfastes pour le développement, en particulier pour l’accès aux médicaments et le développement des génériques, d’autant que ces négociations sont enveloppées d’une grande opacité», a déclaré Othman Mellouk, membre du Conseil d’administration de l’Association pour l’accès au traitement (ITPC-Mena).
En effet, des exemples récents d’accords commerciaux entre l’UE et des pays en développement témoignent du déséquilibre des forces, avec un avantage certain à l’UE. Les exigences de cette dernière sont exorbitantes en matière de propriété intellectuelle et restreindront l’accès aux génériques au bénéfice des multinationales pharmaceutiques.
Les principales mesures sont l’augmentation de la durée de protection des brevets (au-delà de 20 ans), l’extension du champ de brevetabilité sur des médicaments légèrement modifiés (et donc sans caractère nouveau ou innovant), l’impossibilité d’enregistrement des médicaments génériques ou encore la mise en oeuvre de mesures aux frontières par des restrictions aux importations de génériques de pays fabricants des génériques à des coûts accessibles.
Les risques de tels accords commerciaux ont pourtant été dénoncés à de nombreuses reprises par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), le PNUD (Programme des Nations Unis pour le développement), UnitAid et Onusida.
Cette difficulté d’accès concernera l’ensemble des patients Tunisiens et des migrants présents sur le territoire tunisien.
A ce titre, les deux associations rappellent que le Maroc, pays voisin, a décidé, depuis juin 2014, de suspendre les négociations autour d’un accord similaire dans l’attente des résultats d’une analyse d’impacts sur des secteurs sensibles tels que la santé.
Protéger les intérêts de santé publique
Pour le professeur Mohamed Ridha Kamoun, président de l’ATL MST Sida Tunis : «L’Etat tunisien qui prône une politique ‘‘du générique, c’est identique’’ ne peut encourager dans le même temps une politique contraire, un tel accord commercial ajouterait encore de nouvelles barrières à celles déjà existantes, ce qui constituerait un désengagement flagrant de l’Etat tunisien et de ses promesses», conclut-il.
La Tunisie, en tant que membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a adopté les accords Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic). Ces accords ont notamment été transposés dans la loi du 24 août 2000, relative aux brevets d’invention et comportent, malgré tout, des gardes fous protégeant les intérêts de santé publique.
«De telles dispositions obligeraient la Tunisie à renoncer aux flexibilités de sa propre législation et des accords Adpic permettant à tout pays qui le juge nécessaire d’importer ou de produire un générique d’un médicament pourtant breveté dans de nombreux autres pays», éclaire Mohamed Msefer, directeur régional de ITPC-Mena. «La santé publique doit être un impératif de sauvegarde national ne pouvant céder aux impératifs économiques!», ajoute-t-il.
D’une même voix, les deux associations rappellent que la récente constitution tunisienne proclame en son article 38 que la santé est un droit pour chaque être humain et que l’État assure à tout citoyen la prévention et les soins de santé.
L’ATL MST Sida-Tunis et ITPC-Mena demandent :
– une consultation large d’experts et de la société civile tunisienne, en particulier des associations œuvrant pour l’accès aux médicaments et pour les droits humains;
– une étude d’impact sur l’accès aux génériques, en cas de signature de l’Aleca;
– un débat parlementaire sur la question de l’Aleca négocié avec l’Union européenne;
– renoncer à intégrer des dispositions sur les barrières à l’accès aux médicaments notamment relatifs à la propriété intellectuelle.
C’est dans ce contexte, que les deux associations organisent, à Tunis, un atelier de sensibilisation autour de la problématique «la propriété intellectuelle et les barrières à l’accès au traitement» du 16 au 18 novembre 2015.
Cet atelier sera l’occasion d’un renforcement des capacités des activistes tunisiens et d’un partage d’expériences.
Source : communiqué.
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