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Bourses francophones : Pour une stratégie boursière euro-africaine

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La problématique du financement des PME par le marché financier a été au centre des débats du 1er Forum des bourses francophones.

Par Wajdi Msaed

Le 1er Forum des bourses francophones s’est tenu, mercredi 27 janvier 2016, à Gammarth, banlieue nord de Tunis, sous le thème «Bourse et PME : entre exigences et réalités», en marge de l’assemblée annuelle de l’Association des bourses francophones africaines (Abfa) qui, a procédé, à cette occasion, à l’amendement de ses statuts pour s’ouvrir à toutes les bourses francophones et adapter sa nouvelle dénomination, pour  devenir Association des bourses francophones (ABF).

Une problématique partagée

«La francophonie constitue un lien linguistique et un vecteur d’ouverture et d’échange culturel, social et économique», a déclaré Bilel Sahnoun, DG de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT) dans l’allocution d’ouverture des travaux. Qualifiant de grande importance et d’extrême actualité, le thème choisi pour ce forum, à savoir l’accès de la petite et moyenne entreprise (PME) au marché financier, il a indiqué que ce forum  offre une plateforme d’examen, de réflexion, de débat et d’échange d’expériences entre les experts financiers tunisiens et leurs homologues venus des africains et européens, en vue de trouver des solutions appropriées à cette problématique partagée par les places boursières du monde entier.

Financement et risque PME

En effet, le financement de la PME par le marché bute sur l’ampleur du risque que présente ce type d’entreprises, tel que perçu par les investisseurs, notamment en relation avec la liquidité du marché, sa transparence et la protection de l’investisseur.

Parlant de la situation qui prévaut en Tunisie, le DG de la BVMT a rappelé que le tissu  économique tunisien est composé à hauteur de 97% de structures comptant moins de 10 salariés, faisant savoir que le prêt bancaire demeure la principale source de financement pour les PMEs, bien que les banques demeurent dans l’incapacité de répondre à tous leurs besoins de financement.

Après avoir évoqué les nouveaux moyens de  financement que peut offrir le marché de capitaux aux PMEs, Bilel Sahnoun a précisé que l’accès au marché met celles-ci devant l’obligation de respecter les dispositions réglementaires, le plus souvent contraignantes,  et de se soumettre aux règles de transparence envers l’associé, le client et l’investisseur.

Elargir l’espace boursier francophone

Pierre Ekoulé Mouangué, DG de la Bourse du Cameroun et vice-président de l’Abfa, a rappelé que l’association compte actuellement 5 membres : les bourses d’Alger, de Casablanca, de Douala, de Tunis et la Bourse régionale des valeurs mobilières qui opère depuis Abidjan pour les 8 pays de l’Union économique et monétaire de l’ouest africain (Uemoa).

Convaincu de la nécessité de conjuguer les efforts avec d’autres partenaires, M. Mouangué a souligné qu’après l’assemblée générale de Tunis, l’ABF enregistrera  l’adhésion des bourses belge, française et luxembourgeoise, ainsi que la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale qui opère depuis Libreville pour les 6 pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).

«Cette évolution, a-t-il indiqué, permettra à l’ABF, au-delà du partage de la même langue française, de promouvoir la mobilité des personnes et des compétences au sein de l’espace francophone, favorisant ainsi la mise en place des outils de marché adéquats réservés au financement des projets entrepris par les PMEs». Il a ajouté que l’échange d’information, l’assistance technique ainsi que l’harmonisation des procédures  demeurent des facteurs indispensables pour mieux explorer les potentialités dont disposent les places boursières francophones et développer les mécanismes de financement nécessaires aux économies des pays concernés, faisant remarquer que, dans ces pays, la part de financement des PMEs issue des marchés de capitaux reste faible voire insignifiante.

Création de fonds d’investissements

Les travaux du forum ont été répartis en deux panels : le premier, modéré par Youssef Kortobi, président du CA d’Arab Financial Consultants, a passé en revue des initiatives et expériences en matière de financement des PMEs.

Dans ce contexte, les exemples des bourses du Luxembourg et de Casablanca ont été mis en exergue. Dans son exposé, Eric Forest, président et CEO Enternext, a estimé que l’enjeu réside dans le fait d’accompagner les PME et de les convaincre d’accéder au marché financier en optant pour une stratégie de proximité et une pédagogie fiable et efficace.

Pour Badr Benyoussef, directeur du développement à la bourse de Casablanca, il faut développer l’ADN financier chez l’entrepreneur conformément au programme d’élite initié par l’Italie et adopté par le Maroc.

Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances, qui a fait partie de ce panel, a souligné, de son côté, la nécessité d’encourager la création de fonds d’investissement, de mettre en place un code institutionnel et un environnement adéquat susceptibles de mieux encadrer les PME. Se réjouissant de «la collaboration interafricaine avec l’appui d’amis européens», M. Ayed a aussi appelé à la diffusion de la culture de la bourse en s’inspirant de l’expérience du Maroc, avec ses caravanes de la bourse, tout en déplorant la quasi-absence des investisseurs institutionnels dans les bourses africaines.

Le 2e panel, modéré par Adel Grar, président de l’Association des intermédiaires en bourse (AIB), a débattu des attentes des investisseurs vis-à-vis de la communication de la PME. Faiçal Derbel, expert comptable, a évoqué, dans ce contexte, l’obligation faite aux entreprises de communiquer en présentant des états financiers clairs, fiables et certifiés.

Zied Oueslati, vice-président de l’Association tunisienne des investisseurs en capital (Atic), a souligné, de son côté, la nécessité de traiter l’information disponible pour limiter les erreurs. «Il faut parler de bonne gouvernance  et de grande compétence de management», a-t-il ajouté.

Khaled Zribi, président de la BVMT, a mis en relief la différence entre l’information financière et la communication financière. Si la première se rapporte à tout ce qui est légal, la 2e relève du cadre stratégique de l’entreprise au même titre que la stratégie commerciale. Appelant à une pédagogie spéciale pour chaque cible, M. Zribi a estimé que la mission de communication consiste à rassurer les investisseurs déjà engagés et de drainer de nouveaux partenaires.

Intégrer la RSE dans la culture boursière

Claire Coletti, auditrice chez Vigeo (agence de notation extra-financière), a présenté un exposé sur la responsabilité sociétale et environnementale de l’entreprise (RSE) qui  consiste à minimiser les risques qui guettent sa bonne marche. «La RSE, a-t-elle dit, est un facteur de performance, qui se traduit par un coût financier», ajoutant qu’il faut intégrer la RSE dans la culture boursière en tant que facteur d’attractivité.

L’affaire de la société Syphax Airlines a été, on l’imagine, au cœur du débat, car elle est, selon un intervenant, l’illustration même de ce qu’il convient d’éviter : le copinage, l’absence de rigueur et la confusion affaires et politique. «La compétence doit s’adosser à l’éthique», a-t-on conclu.

En réponse, Bilel Sahnoun a indiqué que sur l’ensemble de sociétés cotées à la bourse de Tunis, il n’y a eu que 2 ou 3 ratages, ajoutant de mauvaises appréciations pourraient se produire. Et c’est dans l’esprit même du financement boursier, le risque zéro ne pouvant exister à la bourse, pas plus qu’ailleurs.

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