Le prochain congrès du mouvement Ennahdha, prévu en mars 2016, pourrait révéler les profondes divergences qui divisent la famille islamiste tunisienne.
Par Zohra Abid
La relation entre la politique et la prédication et les changements à apporter au règlement intérieur seront, entre autres questions cruciales, au menu de ce congrès censé transformer un mouvement politico-religieux de résistance et de combat en un parti politique moderne, agissant dans un contexte démocratique ouvert et qui a les moyens humains non pas seulement pour accéder au pouvoir (son expérience du gouvernement entre janvier 2012 et janvier 2014 a été calamiteuse), mais aussi pour bien gouverner.
A ce propos, des divergences profondes commencent à apparaître et qui contrastent avec l’unité infaillible toujours affichée par les Nahdhaouis, jusque-là rangés comme un seul homme derrière leur président (et gourou) Rached Ghannouchi.
La ligne jugée trop consensuelle de ce dernier est, en effet, de plus en plus contestée. Les faucons, partisans d’un islam politique intransigeant, qui ont été marginalisés au cours des trois dernières années, n’entendent pas se laisser pousser vers la porte. Les séniors, quant à eux, n’accueillent pas tous favorablement la démarche qui consiste à laisser la place aux quadras pour assurer le rajeunissement du mouvement. Des querelles de leadership, jusque-là latentes, pourraient aussi apparaître au grand jour.
En témoigne un article non signé – dans la pure tradition de la manipulation politico-médiatique –, publié par le quotidien ‘‘Al-Chourouk’’, dans sa livraison du samedi 13 février 2016, qui accuse Abdelhamid Jelassi, vice-président du mouvement, de vouloir dominer le prochain congrès en rassemblant autour de lui les éléments les plus radicaux.
L’auteur, courageusement anonyme, accuse aussi Abdelhamid Jelassi de rejeter tout projet de modernisation du mouvement sur la base de la séparation entre le politique et le religieux, confusion qui a toujours constitué le fondement de l’islam politique depuis la naissance du mouvement des Frères musulmans, dans les années 1920 du siècle dernier.
Quand on connait Abdelhamid Jelassi, l’un des dirigeants les plus modérés et les plus fidèles, en tout cas jusque-là, à la ligne consensuelle de Rached Ghannouchi, on ne peut que s’étonner des accusations portées contre lui dans cet article, tout en s’interrogeant sur la partie qui cherche, à travers cette grossière manoeuvre, à déstabiliser cet homme et à enfoncer un coin entre lui et le cheikh Rached Ghannouchi.
Quoi qu’il en soit, et contrairement aux apparences, la vie d’Ennahdha n’est pas un long fleuve tranquille, et ce parti, qui a toujours affiché une unité de façade, connait lui aussi les mêmes turpitudes que celles qui ont fait imploser son rival – et néanmoins allié – Nidaa Tounes, à savoir les querelles de leadership déguisés en divergences politiques.
Nouvel avis de tempête, donc, dans le paysage politique tunisien où l’implosion de Nidaa Tounes, ex-premier parti du pays, ne semble pas devoir nécessairement profiter au présumé second, qui doit colmater les fissures pour ne pas connaître bientôt le même sort.
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