Une rue porte désormais le nom de l’écrivain et essayiste Abdelwahab Meddeb dans son quartier natal, à la lisière ouest de Tunisie.
Par Anouar Hnaïne
Le 5 novembre 2015, ses amis de Tunisie et de France, réunis à la Bibliothèque nationale, lui ont rendu un vibrant hommage à l’occasion du premier anniversaire de son décès. Jean-Luc Nancy, Michael Bany, Ali Mezguani, Salah Stétié, Alain Rey et Hamadi Redissi… participaient à la cérémonie, chacun témoignant à sa façon du parcours exceptionnel de feu Abdelwahab Meddeb. A cette occasion le poète et ami Michel Deguy lui a dédié un poème traduit en 20 langue.
Un écrivain pluriel
Essayiste prolifique, écrivain pluriel, philosophe, théoricien, poète et producteur radio à France Culture (‘‘Cultures d’Islam’’), autant dire que résumer ou aborder son trajet est une entreprise de longue haleine et complexe.
L’auteur de ‘‘La maladie de l’islam’’ (Seuil, 2002), son essai à succès, avait une passion de la lecture de la critique.
Il a écrit près d’une trentaine d’ouvrages entre essais, romans et poésie. Il a sa, vie durant, plaidé pour un dialogue des civilisations face à la rupture des nations. Il a construit une œuvre fondamentale de la pensée islamique moderne affrontant l’islam dans sa profondeur, provoquant souvent ses coreligionnaires et scandalisant les intégristes de tous bords par la hardiesse de ses idées et la pertinence et l’exigence de ses propositions.
Trois mois plus tard, la mairie de Tunis lui consacre une rue dans le quartier de son enfance.
L’arrondissement d’El-Omrane à Tunis est l’un des rares quartiers qui abritent des rues portant les noms d’auteurs, des noms qui font rêver, le prophétique Jabran Khalil Jabran côtoie Balzac, Michail Nouaïma voisine avec Descartes, Verlaine poétise tranquillement dans une ruelle à trottoirs boisés, Baudelaire fréquente El-Akkad pas loin de Ahmed Amin… Bref ces gens de lettres et de philosophie se rencontrent, devisent et refont le monde nuit et jour sous des jacarandas, des ficus et autres lilas du Japon.
A la place inchangé depuis des lustres, à quelques enjambées où habitait Abdelwahab Meddeb, venant du Belvédère à droite, une vaste et longue rue porte désormais le nom de l’écrivain-poète, penseur philosophe. En face, juste séparé par un parc, Ronsard chante ses ‘‘Amours’’ et son ‘‘Ange divin’’, ce qui n’est pas pour lui déplaire.
L’esprit des Lumières de l’islam
Rue Abdelwahab Meddeb, mais c’est qui ce personnage?, se demanderait à raison le citoyen ordinaire. Un penseur qui a fondé une revue ‘‘Dédale’’, un philosophe érudit qui écrit de la poésie, un errant qui a choisi l’écriture, incarnant plus que quiconque l’esprit des Lumières de l’islam. Face à ceux qui prêchent la mort, il a chanté Ibn Arabi, Bîstami, Sohrawardi, Jalal Eddine Erroumi, faisant de la littérature et de la pensée sa religion.
Il est né en 1946 à Tunis, mort à Paris en 2014, ces indication n’existent pas sur la plaque bleue. Descartes à quoi il ressemble, Fénéon, il est né quand?, demanderait le visiteur curieux. Orient, Occident c’est au partage du sens et de la raison auquel appelle son discours.
Il faut dire que les responsables des mairies ont cette fâcheuse et regrettable défaut de ne pas indiquer sur les plaques la fonction de l’élu de la cité; ils se soucient encore moins de la date de sa naissance et de son décès. Il est temps de remédier à cette lacune.
Mais au-delà de ces omissions réparables, la meilleure façon de connaître l’homme dans sa richesse et sa dimension, c’est simplement de gravir les pentes de sa pensée en lisant ses ouvrages.
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