Les problèmes posés par la prise en charge du cancer du sein au Cap-Bon est symptomatique des défaillances des prestations médicales publiques en Tunisie.
Par Dr Salem Sahli *
Dans la région du Cap-Bon, les femmes chez qui un cancer du sein est suspecté doivent prendre leur mal en patience et se préparer à une longue épreuve, à un vrai parcours du combattant. Car en l’absence de mammographe – appareil de radiographie des seins qui joue un rôle central dans le dépistage et le diagnostic précoce de cette pathologie – dans les structures hospitalières publiques de la région, l’on ne peut parler de prise en charge adéquate de ces patientes, et cela, quoi qu’en dise notre troisième plan national de lutte contre le cancer 2015-2019.
Les belles ambitions démenties par les faits
Le document consacre certes plusieurs pages à cette pathologie fréquente dans notre pays et responsable d’une forte mortalité et morbidité, mais la mise en œuvre de cette stratégie laisse à désirer et le diagnostic du cancer du sein en Tunisie intervient encore trop tardivement. Aussi, les belles ambitions affichées sont-elles démenties par les faits.
Cette situation fort regrettable appelle de ma part ces quelques remarques ayant trait à la planification sanitaire générale dans notre région.
La région du Cap-Bon, région riche, peuplée de près de 800.000 habitants dont 390.000 femmes et largement dotée en infrastructures touristiques, est paradoxalement une région sous-équipée sur le plan sanitaire. Nos structures hospitalières publiques souffrent d’un manque de personnels qualifiés, de services spécialisés (pas de réanimation à l’hôpital Mohamed Tlatli par exemple), de matériels et d’équipements tels que le mammographe, l’IRM, le caisson hyperbare, les appareils performants de biologie médicale, etc.
L’on peut, bien sûr, me rétorquer que le secteur médical privé en pleine expansion dans la région compense en partie ces défaillances. Soit, mais en même temps, il contribue à creuser davantage le fossé existant entre les prestations médicales publiques et privées.
Les structures hospitalières publiques manquent d’équipements tels que le mammographe.
Les patientes perdent un temps précieux
L’exemple de la prise en charge précoce du cancer du sein est à ce titre très édifiant. Le parcours de soins dans le secteur privé est fluide mais coûteux, tandis qu’il est long et complexe dans la filière publique. Le taux d’aiguillage y est faible et les patientes perdent ainsi un temps précieux qui risque d’aggraver leur état de santé. De plus, la mammographie de dépistage n’est pas remboursée par la Caisse nationale d’assurance maladie.
Or, le principal objectif de la planification sanitaire en général, et de la carte sanitaire en particulier n’est-il pas d’instaurer une répartition harmonieuse et rationnelle de l’appareil de soins en vue d’obtenir la complémentarité souhaitée entre les secteurs publics et privés?
Nous sommes forcés de constater que nous n’en prenons pas vraiment le chemin et qu’en la matière, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
* Pédiatre libre praticien, Hammamet.
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