Mohsen Marzouk a géré avec panache l’affaire de son implication dans les Panama Papers, mais il n’est pas sorti de l’auberge pour autant.
Par Nadya B’Chir *
Lundi 11 avril 2016, sous l’Hémicycle, 124 députés ont voté la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la corruption financière et l’évasion fiscale, en d’autres mots pour enquêter sur les Panama Papers.
Ce vote survient à la suite de la demande de 127 députés de diverses sensibilités politiques, jugeant inéluctable la mise à nue des affaires suspicieuses au parfum de corruption et d’évasion fiscale, par surcroît, lorsqu’elles regardent des hommes politiques.
La meilleure défense, c’est l’attaque
A ce juste titre, le premier nom révélé par le site tunisien Inkyfada correspond à l’homme politique le plus adoré et le plus détesté à la fois, le plus populaire et le plus sujet à controverses à la fois, celui qui plastronne fréquemment avec des points d’interrogation sautillant par-dessus la tête : nous citons Mohsen Marzouk.
Pour certains, cette révélation au sujet de Marzouk autorise l’impression de parler d’une corde dans la maison d’un pendu : des zones d’ombre à propos de ses sources de financement flottent au dessus de l’homme politique, depuis un moment. La réponse ne revêt pas réelle conviction ! Beau parleur dans son genre, Marzouk a réfuté les faits sans, en aucune façon, être sur le balan : des échanges d’emails, jamais entendu parler! (Oui d’autant plus que parait-il, il n’écrit pas d’email la nuit). Et quand bien même, des emails aient été échangés, cela ne prouve guère l’existence d’une infraction majeure à son encontre. Une théorie qui semble moralement défendable, néanmoins, ne débarrassant pas toute l’ambiguïté de l’affaire. Car il y a anguille sous roche !
Inkyfada campe sur sa position et emprunte des allures de professionnel de haute facture, mais n’étanche aucune soif en s’abstenant de présenter la moindre preuve à charge et conforter ainsi sa position. Confidentialité de données personnelles oblige, soit ! Qu’en-est-il alors de l’affaire Samir Abdelli dans le cadre de laquelle des documents appuis ont été rendus publics par ledit site ?! Pareille manœuvre pourrait sensiblement toucher à la crédibilité des meneurs d’enquête, bien qu’ils plaident l’obligation de se conformer à une clause internationale à ce sujet. Peu captivant !
Force est de constater que Mohsen Marzouk a – encore une fois – géré cette crise à bride battue. Certes, le coordinateur général du Machroû Tounes (Projet Tunisie) a porté l’affaire devant la justice et cela peut lui accorder un brin de crédit; cependant, lorsqu’on se met en position d’attaque, est-ce la meilleure façon de prouver que l’on est innocent et irréprochable ?!
Il est fort probable que certaines parties vils pêcheraient dans des eaux troubles et chercheraient péniblement et désespérément à faire tomber Marzouk qui construit son nouveau parti et chevauche la deuxième position sur la place politique selon un récent sondage. Toutefois, il est difficile de croire qu’il puisse y avoir fumée sans feu ! Qu’à cela tienne ! La commission parlementaire d’enquête fraîchement créée promet d’étaler sur la place publique toutes les vérités et rétablir les torts à conséquence calomnieuse. Cocorico et total respect !
Venons-en donc à la composition de ladite commission. Cette dernière renferme 22 membres en tout : 7 membres d’Ennahdha, 6 de Nidaa Tounes, 3 d’Al Horra, 2 du Front Populaire, 1 de l’UPL, 1 d’Afek Tounes, 1 du Groupe social démocrate et 1 non inscrit dans un bloc parlementaire.
A vue d’œil, la composition de la commission d’enquêtes sur les Panama Papers a été conçue en fonction d’une équation de proportionnalité en termes de représentativité parlementaire des partis politiques. Néanmoins, il serait fort appréciable que la présence des trois membres d’Al Horra dans la commission ne puisse suggérer un conflit d’intérêt dans le déroulement de cette affaire.
Une énième commission d’enquête
A l’avenant, eu égard au fait que cette nouvelle (énième) commission accomplira sa tâche sur les marges dérobées des autres commissions parlementaires, il est de rigueur de respecter l’optimisation du temps de travail, la transparence des travaux, ainsi que l’efficacité des mécanismes d’enquête engagés. Car, le Parlement souffre d’ores et déjà des compromis au niveau de l’organisation de ses travaux qui vraisemblablement s’inscrit en faux et conduit à un ralentissement handicapant tout un pays. Les procédés de fonctionnement de la commission d’enquête, les délais de travaux, la répartition des tâches et des rôles sont tout autant des détails sur lesquels la commission devra communiquer en toute transparence. Après tout il s’agit d’une instance qui investiguera sur des affaires de corruption, et d’évasion fiscale, elle ne peut donc se permettre la moindre déviation ou manquement.
Les noms des membres de la commission d’enquêtes sur les Panama Papers seront bientôt connus. Polémique ou controverses en vue ?! Au regard de la sensibilité et la délicatesse de l’affaire, serions-nous en mesure de craindre une guerre picrocholine ?! Dans le cas où cette commission avère la «culpabilité» de Mohsen Marzouk et de Samir Abdelli ainsi que les autres, qu’en sera-t-il de la suite, de leur «pénitence» ?! Ces personnalités publiques de haute opinion seront-elles données en exemple?! Quelle que soit l’issue des travaux de la commission d’enquête, il faudra irréfutablement, franchir le Rubicon !
* Journaliste indépendante.
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