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Télévision: Chaînes débiles cherchent audimat à tout prix

Klem-Ennas
Dans la course indécente à l’audimat, certaines chaines de télévision accélèrent la décadence du niveau intellectuel de toute une société et de tout un peuple. Qui va arrêter la chute ?

Par Nadya B’Chir *

De l’avis de tous, le seul et «orphelin» acquis à exposer sous lumières tapantes, après la «révolution» du 14 janvier 2011, est sans conteste la liberté d’expression. Celui qui muselait le peuple et faisait que les mots coincent dans leurs gorges a pris la poudre d’escampette. C’est alors que les médias de la place se sont métamorphosés et sont devenus un haut lieu de scènes de déballage, de lynchage, de substitut de tribunal, de règlements de compte, et nous en passons des plus belles.

Dans la confusion généralisée, la tendance s’orientait vers l’inhabituel et l’euphorie qui ont pris en otage les médias. Soit ! Une année, puis deux, ensuite trois et une cinquième entamée en largeur, le constat est cependant plus que jamais alarmant : les médias se sont pris le pied dans une spirale qui n’a de cesse de tourner et dans le sens opposé qui plus est.

L’exubérance en tout genre

La consécration de la liberté d’expression s’est imposé de vives ondes sous nos cieux sans toutefois la soumettre à un cahier des charges qui décline l’inventaire de ses orthodoxies. Ne nous leurrons pas, en Tunisie, nous sommes enclins à être de fervents supporteurs d’exubérance en tout genre. Cela viendrait peut-être de notre sens aigu de l’imaginaire ?! La liberté d’expression a été ainsi conçue dans le moule obsessionnel d’un lâcher-prise sans borne.

La récente période a été témoin de ce lâcher-prise, précisément ! Le téléspectateur tunisien voit défiler sur les divers plateaux des chaînes nationales, publiques et privées, des personnages sujets à bavardes controverses : des histoires dont nous n’avions pas l’habitude d’écouter et voir sur le petit écran, des propos emprunts d’agressivité et d’indécence, des invités odieux et irrespectueux, des sujets traités de manière on ne peut plus superficielle et déviée, etc.

A qui incombe donc la faute? Lorsque nous évoquons les émissions et programmes télévisés, certaines voix regorgeant de sagesse et d’indifférence diraient : «Vous n’aimez pas alors zappez !» Limpide !

Néanmoins, le petit écran trône depuis de vives années sur le royaume des médias et est converti en une irréfragable source d’informations. De ce fait, les concepteurs et présentateurs télés ont pleine conscience du rôle qu’ils jouent à inculquer aux téléspectateurs de tout bord un éventail de valeurs, de principes, d’ordre intellectuel et moral, de science quotidienne des détails de la vie, des normes en matière de civisme, et de surcroît de lever le voile sur les incohérences de la vie sous divers visages.

Une scène médiatique bien amochée

Les voilà donc endosser une responsabilité illustre mais qui clairement dépasse leurs capacités de pouvoir l’assumer et contenir d’éventuels dépassements.

Les exemples sont nombreux et plus préoccupants les uns que les autres. Tenez, rien que sur la semaine qui s’écoule, le téléspectateur tunisien s’est retrouvé détourné par deux plateaux télévisés de la même chaîne en flagrant délit. La scène emprunte des allures de surréalisme car nous donne l’impression d’être face à une fraction de la télévision de science fiction : un animateur (Amine Gara, en l’occurrence) et un invité ou plutôt deux, qui au mieux, n’ont eu de vergogne à débiter des «âneries». L’un nous parle de sa croise pour une soi-disant réconciliation nationale et se présente comme un des défenseurs de l’ex-président Ben Ali. L’autre, se présentant comme un artiste, n’éprouve gêne aucune à tenir des propos homophobes en plein direct et à une heure de grande écoute. Sur un autre plateau – plus sérieux et plus politisé – un invité se présentant comme représentant de la Centrale syndicale a entaché l’image d’une institution bâtie par les plus grands leaders du pays en toute conviction et sans relâche !

Face à cette scène ahurissante et même éhontée, nous sommes en droit de se poser la question suivante : sommes-nous complices de ce massacre à coup d’émissions télévisés? En se prêtant à ce jeu mesquin et indécent de l’audimat, sommes-nous complices de la décadence du niveau intellectuel de toute une société, de tout un peuple, de tout un pays qui inspirent, pourtant, au développement et même, à la démocratie?! En zappant ce genre d’émissions, avons-nous contribué de manière significative au processus de brisure de ce type de produit télévisé délétère aussi bien à notre santé mental que physique?!

L’animateur journaliste (si tant est qu’il en soit au regard de la prolifération des intrus depuis le 14 janvier 2011) n’est-il pas le premier responsable quant à la matière qu’il propose à ses téléspectateurs et par voie de conséquence du façonnage des goûts, des préférences, des tendances et de la ligne d’orientation de ces derniers?! N’est-ce pas là un des rôles fondamentaux d’un animateur/journaliste et par surcroît après l’avènement du 14 janvier 2011?!

En toute vérité, tous sommes responsables et tous avons notre part dans l’édifice de la scène médiatique nationale drôlement bien amochée et à qui le rafistolage ne saura en venir à le fignoler. Il est d’apparence cristalline que l’hémorragie doit être stoppée : les médias éduquent des générations, influencent les mœurs et les comportements, confectionnent les opinions et les positions, alors halte! Il parait qu’une instance a été mise en place à cet effet : la Haica, sans toutefois qu’il soit remarqué une convalescence quelconque du paysage médiatique. Qu’attendons-nous donc? L’heure de la récréation n’a-t-elle pas encore sonné?!

* Journaliste indépendante.

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