Les requins de l’immobilier mettent la patte sur l’espace Yasmina, avec le concours de l’AFT et, peut-être, des complicités à la municipalité de Hammamet.
Par Dr Salem Sahli *
L’Agence foncière touristique (AFT) a été créée en 1973. Placée sous la tutelle du ministère du Tourisme, sa mission consiste à assurer la maîtrise du foncier en vue de faciliter la planification touristique dans notre pays, en finir avec l’anarchie et promouvoir un tourisme intelligent et intégré dans son environnement.
Des opérations qui sentent fort la corruption
L’Agence a certes à son actif plusieurs réalisations et a contribué au développement des différentes régions touristiques en Tunisie, mais elle s’est progressivement transformée, à la fin du règne de Ben Ali, en véritable courroie de transmission au service des potentats du régime et leurs proches, n’hésitant pas à outrepasser ses prérogatives pour s’adonner à des manœuvres de pure spéculation immobilière.
Et rebelote, voici qu’après une trêve de quelques années, l’AFT revient au galop pour dépouiller Hammamet d’une partie de son capital foncier. En effet, comment expliquer l’acquisition, en 2008, par cette agence publique, d’un terrain de près de 6000 m2 faisant partie intégrante de l’espace Yasmina à Hammamet pour la modique somme de 420.000 dinars? Comment expliquer le changement de vocation de la zone qui, en catimini, passe de zone à vocation socioculturelle à zone d’habitat dense (UAa4)? Et comment expliquer sa vente à un promoteur immobilier privé alors que la municipalité en a officiellement demandé l’acquisition? Il y a manifestement anguille sous roche et ces opérations sentent fort la corruption.
D’ailleurs, l’AFT n’en est pas à son coup d’essai à Hammamet, les affaires de l’hôtel Tanit et du lotissement dit Abou Nawas sont encore dans les mémoires des Hammamétois. Le modus operandi de l’agence est désormais classique : on met en avant l’utilité publique pour acquérir des terrains au besoin en utilisant la procédure de l’expropriation, puis on procède au changement de vocation de la zone sur le plan d’aménagement, et enfin on cède les terrains au prix fort. Les victimes de ce scénario sont nombreuses à Hammamet. Certaines, de dépit ont perdu la vie, d’autres la raison.
Un terrain de près de 6000 m2 au coeur de Hammamet cédé pour la modique somme de 420.000 dinars!
La résistance s’organise pour contrer le projet
Mis au parfum, les habitants de Hammamet se mobilisent encore une fois contre la privatisation du site attenant à l’espace Yasmina qui a vocation à devenir parc urbain et espace socioculturel, récréatif et environnemental. Ils appellent les autorités compétentes à répondre favorablement à leur requête formulée dans une pétition appelant à la sauvegarde de l’unique poumon vert du centre ville de Hammamet et à l’acquisition par la municipalité des lots cédés de manière douteuse. Une cellule de veille citoyenne a été mise en place pour suivre au jour le jour cette affaire et alerter l’opinion publique. En effet, la vigilance est de mise de la part des citoyens et surtout de la municipalité, car la délivrance d’une autorisation de bâtir sur ce terrain aura des conséquences fâcheuses et défigurera irrémédiablement le site Yasmina.
La résistance s’organise pour contrer ce projet. Elle prendra des formes multiples et comportera des actions juridiques, administratives, médiatiques et citoyennes. Les habitants de Hammamet sont unanimes pour dénoncer la dernière transaction de l’AFT et rappelle aux autorités de tutelle que l’AFT est une agence publique au service de l’intérêt général et non un opérateur privé au service des spéculateurs et aménageurs de tout poils.
L’espace Yasmina est UN et INDIVISIBLE. Le morceler revient à le tuer. Au fil des années, Hammamet a été dépouillée de sa réserve foncière, elle ne semble pas disposée à se laisser davantage plumer pour la satisfaction des appétits privés. Et pour cause : Elle a grandement besoin de son capital foncier afin d’y programmer les projets socioculturels, écologiques et de loisirs dont la population a besoin.
Quant aux dessous de cette affaire, seule une enquête impartiale et transparente permettra d’en connaître les tenants et les aboutissants. Nous ferons en sorte que cela se fasse. Mais en attendant, les citoyens, les associations, les partis politiques, les élus locaux, les artistes, les jeunes… doivent rester mobilisés, vigilants et revendicatifs.
* Président de l’Association d’éducation relative à l’environnement de Hammamet.
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