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La Tunisie et l’Aleca : Apaiser les craintes et saisir les opportunités

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Par-delà les craintes qu’elle suscite, la libéralisation des secteurs agricole et des services avec l’Union européenne pourrait apporter de nouvelles opportunités à l’économie tunisienne.

Par Wajdi Msaed

Les responsables tunisiens et européens ont toujours insisté sur l’impératif d’une approche participative du processus de négociation, déjà lancé, sur l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) entre la Tunisie et l’Union européenne (UE). Ils l’ont fait encore une fois à l’occasion de la 4e édition de Tunis Forum organisé par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), les 27 et 28 mai 2016, sous le thème : «Tunisie et Aleca: gouvernance des négociations et réussite de la libéralisation».

L’Aleca, connais pas…

C’est le cas, notamment, du chef du gouvernement, Habib Essid, dans son discours d’ouverture officielle, du conseiller du gouvernement chargé des Affaires économiques, Ridha Ben Mosbah, de l’ancien Premier ministre de Géorgie, Nika Gilauri ou de la représentante de la Commission européenne, Ewa Synowiec.

Tous ces intervenants ont mis l’accent, chacun avec ses mots, sur la nécessité de faire participer toutes les parties concernées, notamment les représentants de la société civile et les personnes ayant une expertise avérée dans les différents domaines couverts par l’accord.

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Walid Belhaj Amor, vice-président de l’IACE, a souligné, lui aussi, cette nécessité, en présentant les travaux du forum avec ses 6 panels. Il a, aussi, évoqué les craintes des acteurs des secteurs de l’agriculture et des services, les premiers concernés par l’Aleca.

L’indice de mesure de ces craintes, construit par l’IACE, et dont les résultats seront publiés chaque semestre jusqu’à la fin des négociations, a donné un taux de 49% pour le secteur des services et 9% «seulement» pour celui de l’industrie, sachant que 46% des opérateurs agricoles n’ont aucune idée sur l’accord, contre 56% des opérateurs des services et 32% des industriels.

La souveraineté nationale en question

Il s’avère, par ailleurs, que les préparatifs pour le lancement des négociations entre la Tunisie et l’UE ont suscité des réactions de rejet de la part des organisations de la société civile et de certaines structures professionnelles, estimant que la libéralisation du secteur agricole vis-à-vis de l’espace européen pourrait «constituer une menace pour la sécurité alimentaire nationale».

C’est sans doute pour apaiser ces craintes et rassurer les plus sceptiques que le chef du gouvernement l’a dit haut et fort : «La souveraineté de la Tunisie et la défense de ses intérêts constituent le principe fondamental de ces négociations». Avant de souligner le but recherché par la Tunisie à travers l’Aleca : «Nous voulons passer d’une économie à faible valeur ajoutée à une économie de haut niveau sur les plans régional et international», a-t-il expliqué.

Le Premier ministre s’est dit, en outre, convaincu que ces négociations traduisent la vision de l’économie nationale telle que définie par le plan quinquennal de développement 2016-2020. Cette vision est basée sur 3 composantes essentielles, a encore expliqué M. Essid, à savoir l’efficacité économique reposant sur l’innovation et le partenariat, l’intégration comme facteur d’égalité et de justice sociale et, enfin, le développement durable consacrant l’économie verte.

Tout en admettant les difficultés qui pourraient surgir, d’autant que les deux principaux secteurs concernés, l’agriculture et les services, sont encore loin de pouvoir rivaliser avec les avancées européennes, le chef du gouvernement a souligné le soutien qui doit être apporté à ces secteurs, la nécessité d’accélérer les réformes économiques en cours et d’élaborer des études sectorielles permettent d’évaluer l’impact négatif de l’accord et d’envisager les moyens pour y faire face.

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S’inspirer de l’expérience de l’Europe de l’Est

Dans ce contexte, la Tunisie a intérêt à mieux se renseigner sur l’expérience des pays de l’Europe de l’Est, qui ont négocié, par le passé, un accord similaire avec Bruxelles. L’ancien Premier ministre de Géorgie était là pour témoigner de l’expérience de son pays qui a signé le même accord, depuis près de deux ans. Il a passé en revue les résultats enregistrés après une année et demie d’application, qu’il a qualifiés d’«impressionnants». «Nos exportations ont augmenté de 4% et nous voyons beaucoup d’entreprises étrangères s’installer chez nous et dont les produits sont destinés à l’exportation», a-t-il expliqué.

Nika Gilauri a, par ailleurs, souligné que les nombreuses similitudes entre les deux pays peuvent aider à adapter l’expérience géorgienne à la réalité tunisienne, rappelant la nécessité de faire prévaloir le principe du consensus, sachant que 80% de la population géorgienne était favorable à l’accord. «Il faut adopter une politique de communication claire capable de convaincre la majorité de la population et notamment les principales parties concernées, à savoir le secteur privé, la société civile et les syndicats, et les amener à travailler en étroite collaboration», a conclu l’ancien Premier ministre de Géorgie.

Dans un pays comme la Tunisie où la société civile est très active, l’implication de celle-ci dès le départ des négociations est fortement recommandée, a estimé, pour sa part, Ewa Synowiec. La représentante de la Commission européenne a, toutefois, précisé que «les textes juridiques sont très difficiles et complexes» et appelé à «les traduire en textes humains», mettant ainsi, indirectement, les craintes exprimées et les résistances enregistrées sur le compte d’une mauvaise communication.

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