Accueil » Crise du monde moderne: Occident et migrations

Crise du monde moderne: Occident et migrations

Migration-heureuse

Une migration heureuse et mutuellement bénéfique doit pouvoir exister. 

Les migrations sont une chance pour l’Occident qui a besoin de ces forces vives venus du Sud et de l’Orient pour se régénérer et s’enrichir d’innombrables apports.

Par Semi El Behi *

Ces réfugiés syriens, arrivés en Occident dans des embarcations de fortune au péril de leurs vies, ont marché des milliers de kilomètres, usé leurs corps, affronté, avec patience et humilité, l’arsenal sécuritaire des pays des Balkans et d’Europe centrale. Ils font aujourd’hui partie de nos paysages urbains européens.

Une migration bariolée, joyeuse et enrichissante

Malgré les discours xénophobes et racistes de certains, nos hôtes donnent, indubitablement, à notre quotidien un aspect d’ouverture et de métissage. La rue n’est plus insipide, occupée presque exclusivement par des gens du troisième âge. Ils sont beaux ces réfugiés. Et de surcroît, ils se comportent avec cette extrême amabilité qui caractérise la plus ancienne et raffinée des civilisations du monde. L’espace public est alors plus dense, plus vivant. La ville parle, entre autres langues, l’arabe.

J’observe dans les transports communs ces enfants syriens, blancs, les yeux clairs, cheveux soyeux. Ils pétillent d’intelligence et de vivacité. Des étoiles brillantes scintillent dans leurs grands yeux. Ils ont des rêves. Reconnaissants, ils semblent moins affectés par la morosité générale caractérisant les sociétés européennes où le sourire est le grand absent.

La réalité culinaire de villes comme Vienne, Berlin ou Munich s’améliore. Les délices, tant salés que sucrés, de Bilad Acham sont servis dans de nombreux locaux. A deux pas de chez moi, vient d’ouvrir un restaurant syrien. Nourriture exquise, senteurs d’Orient et au service, une jeunesse syrienne éduquée, élégante, élancée, sympathique et surtout hautement qualifiée : médecins, ingénieurs et artistes. Cette jeunesse intelligente ne tardera pas à entamer son ascension sociale comme ce fut le cas des Arabes du Levant qui sont partis aux Amériques au début du siècle dernier, et dont les descendants sont devenus écrivains, acteurs, chanteurs, hommes d’affaires milliardaires, savants et même ministres et chefs de gouvernement, dans certains pays d’Amérique Latine.

Ceci invite à une réflexion, qui devrait être engagée avec une nouvelle manière de voir et de vivre la migration.

L’Occident consacre des fonds colossaux à lutter contre le franchissement irrégulier de ses territoires et cela ne marche pas. Bien au contraire, les victimes échouées sur les deux rives de la Mare nostrum se comptent par milliers. D’autres milliers font prospérer les réseaux de trafic et de traite des êtres humains entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe. Triste réalité que les puissants récupèrent politiquement pour se justifier aux yeux de l’opinion publique mondiale sans pour autant être crédibles.

On a tout faux. La conception de la patrie, de l’humanité et de l’altérité. Gras de suffisance, les occidentaux s’attribuent l’exclusive appropriation d’une terre qui constitue le patrimoine commun de toute l’humanité. Avec les verrous d’accès à son domaine réservé, l’Occident se contredit. Toutes ces valeurs qu’il prétend promouvoir, en ritournelle, comme universelles et partagées, ne sont, en fin de compte, que locales et réservées. Exclusives.

Refugies-syrien-Allemagne

Arrivée de réfugiés syriens et irakiens en Allemagne: une jeunesse qui pétille d’intelligence et de vivacité.

Les visas instaurent un système d’apartheid

Il est temps d’ouvrir les yeux sur cette vérité absolue du mouvement. Les oiseaux du ciel, les poissons des mers, les insectes, les virus et les semences font leur libre pérégrination à travers notre planète. Seul l’homme contemporain est empêché de jouir de cette liberté pourtant si naturelle. Les pauvres, les démunis, les catastrophés et les impuissants sont systématiquement rejetés par un système d’apartheid sous l’appellation de visa et permis de séjour. Ce système ne pourrait pas continuer. Il est inadmissible. C’est une amputation de notre humanité. C’est un refus sans appel de l’altérité. Il nous suffirait de nous pencher sur la révision, voire même la refonte, de ces concepts qui nous causent autant de torts. Le leurre de la prospérité nourri par les multinationales est la seule motivation derrière la fuite des uns et le rejet des autres.

L’Occident, sous l’emprise des multinationales, projette un monde de possibilités, riche et sophistiqué. Alors et si l’on permettait à tout humain de s’y rendre sans entraves? Il se rendra compte que ce modèle est défaillant et que le bonheur matérialiste n’est pas accessible à tous et que ce schéma de vie est une déviation pathologique de notre humanité.

L’Occident agit en nouveau riche. Il est grotesque. Il est énergivore, consumériste et médiocre tant le nivellement a été fait pas le bas. Il a oublié de faire attention à nos ressources communes, pollué la planète et s’est créé une bulle où l’on ne respire qu’individualisme, indifférence, compétition et déliquescence des valeurs fondamentales de l’être de ses états multiples.

S’il était donné à tout migrant d’accéder en toute liberté à cette bulle, il se rendrait compte, et vite, que le bonheur occidental n’est que mensonge et qu’il est nourri de poulet aux hormones, logé dans des cages étroites, recroquevillé dans des tunnels sombres, vieillissant dans l’indifférence générale.

Mère nature est juste. Elle retire à ces contrées en bitume son soleil, et avec, la joie de vivre que provoquent ses rayons doux et caressants. Elle punit ce manque de générosité par le froid la grisaille huit mois par an. Tout comme ces hommes de bonne volonté, elle ne tolère pas l’égocentrisme de cet Occident en profonde crise depuis l’avènement du monde moderne. Il a créé la machine et en est devenu l’esclave.

* Universitaire.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.