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Turquie : Un coup d’Etat signé… Erdogan

Erdogan

Le Hitler d’Ankara fait son «incendie du Reichtag»*.

Des interrogations se multiplient sur ce qui s’est passé réellement dans la nuit du vendredi à samedi en Turquie. Et si c’était un faux coup d’Etat fomenté par Erdogan lui- même ?

A propos du «coup d’Etat militaire avorté» en Turquie, des bribes d’informations éparses sont parvenues au reste du monde, qui ne concordent pas nécessairement avec la thèse officielle et généralement admise par la communauté internationale. Aussi, plusieurs analystes commencent-ils à s’interroger sur la réalité de ce qui s’est passé. Et si l’échec du putsch militaire et le retour à l’ordre constitutionnel n’étaient qu’une mise en scène soigneusement orchestrée par Erdogan pour faire avancer son projet de modification constitutionnelle pour imposer une dictature islamiste, prélude à la restauration d’un califat néo-ottoman, son rêve de toujours ?

Parmi les analystes qui penchent vers cette thèse, notamment de Djordje Kuzmanovic, analyste géopolitique, secrétaire national du Parti de Gauche (France) en charge des questions internationales et de défense, qui propose des éléments d’analyse à chaud et avance plusieurs interrogations dans son blog : ‘‘Pour une géopolitique française altermondialiste’’.

«Le coup d’Etat a été très court – factuellement moins de 6 heures.

Durant le coup d’Etat, aucun responsable politique du régime d’Erdogan ni aucun chef de la police n’a été arrêté par les putschistes. Seul a été arrêté le commandant en chef de l’armée.

Un seul coup (missile lancé d’un avion) a été tiré sur le lieu supposé où se serait trouvé Erdogan.

Les chars n’étaient pas appuyés par une infanterie conséquente et de facto ne représentent presque aucune menace en ville.

Les militaires ont peu de pertes (2 morts apparemment de leur côté – 47 du côté des forces spéciales). Ils ont globalement très peu combattu et se sont rendus très vite.

La ‘‘population’’ est descendue dans la rue spontanément en pleine nuit pour défendre le régime.

Depuis trois jours, les ambassades de France, des Etats-Unis, du Royaume-Uni sont fermées ou au ralenti. Sans que cela ait été justifié.

Déjà dans la nuit, la police – fidèle au régime – arrêtait des militaires (près de 3000 pour le moment). 5 généraux d’importance et 29 officiers supérieurs qui comptent ont également été arrêtés.

A 15h, aujourd’hui (samedi, Ndlr), les divers responsables des partis politiques de Turquie passeront les uns à la suite des autres pour dénoncer le coup d’Etat et appuyer Erdogan et la ‘‘démocratie’’. Toute contestation ou formulation de doute à ce moment sera bien entendu très dangereuse (Erdogan a été près de lever l’immunité parlementaire des députés, en particulier ceux du HDP).

Bref, pour un coup d’Etat, en particulier de la très sérieuse armée turque, il n’est ni fait ni à faire. Pour le moins, c’est un coup d’Etat mal préparé et frappé d’amateurisme.

La base en ce domaine est de décapiter la tête du régime que l’on veut renverser. En général, avant de sortir les chars et les avions (et de se faire repérer), avec les conjurés les plus fidèles, les putschistes tentent d’arrêter un maximum de ministres, de décideurs, de commandants militaire et de police que l’on sait fidèle au régime.

Depuis ce matin (samedi, Ndlr), les communiqués de soutien pleuvent du monde entier en appui à Erdogan : ‘‘la démocratie est sauvée’’, ‘‘préservation de l’ordre constitutionnel’’, ‘‘le chaos est évité dans la région’’, etc.»

Des-soldats-turcs-lynches

De jeunes soldats turcs, qui ne comprennent pas ce qui leur arrive, lynchés par une foule d’islamistes déchaînés. 

Voilà pour les éléments objectifs relevé par l’analyste et qui suscitent de sérieux doutes sur le sérieux d’un coup d’Etat qui ne ressemble à rien.

L’analyse à chaud de Djordje Kuzmanovic est que tout cela profite à Erdogan, qui «élimine la tête d’une armée traditionnellement kémaliste, qui ne lui est pas acquise et qui a laisser paraître cette année des velléités d’autonomie par rapport au régime en particulier depuis l’affaiblissement d’Erdogan sur la scène internationale». Le coup d’Etat a aussi pour conséquence de mettre au pas l’opposition interne, qui plus est, «dans un contexte de vives tensions intérieurs (sociales, économiques, politiques et même de guerre civile avec les Kurdes)». Mieux (ou pis) : il redore le blason d’Erdogan au niveau international, qui «s’offre à bon compte une image de défenseur de la démocratie (c’est mieux que celle de dictateur en herbe, d’associé de Daech ou d’instigateur d’une guerre civile avec les Kurdes).»

Conclusion de l’auteur : «il s’agit d’un faux coup d’Etat orchestré par Erdogan, l’AKP et les durs du régime.» Il permettra à l’homme fort d’Ankara de «relancer son projet de modification constitutionnelle telle qu’il le rêve depuis longtemps mais ne parvient pas à réaliser en raison des résultats électoraux du HDP lors des deux scrutins législatifs.»

La guerre civile avec les Kurdes depuis l’attentat de Suruc n’ayant pas suffit à Erdogan pour asseoir son pouvoir implacable en Turquie et son leadership dans la région, le président turc cherche maintenant à faire suffisamment pression, sur les plan interne et externe, pour trouver le soutien nécessaire à son projet, «tout en continuant sa guerre contre les Kurdes au risque de déstabiliser encore un peu plus la région», souligne encore Djordje Kuzmanovic. Qui conclut : «En fait, un putsch a bien eu lieu hier en Turquie… et il a réussi». Ce putsch, on l’a compris, a été fomenté et exécuté par… Erdogan.

I. B.

* C’est l’incendie criminel du palais du Reichstag, siège du parlement allemand à Berlin, dans la nuit du 27 au 28 février 1933, exploité par les nazis à des fins politiques et suivi par la suspension sine die des libertés individuelles et par une campagne de répression dirigée contre les communistes allemands. 

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