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Habib Essid ou les confessions d’un homme blessé

Habib-Attessia-Ban

Hier soir, les Tunisiens ont vu à la télévision un Habib Essid seul, blessé et qui, tout en reprenant sa litanie «Je suis un soldat au service de la patrie», dissimulait mal sa déception et son aigreur.

Par Salah El-Gharbi

Mercredi soir, Habib Essid est sorti enfin de son mutisme et a choisi la chaîne privée Attessia pour se livrer et se délivrer, après avoir vécu des semaines difficiles depuis la déclaration du président de la république, Béji Caïd Essebsi, le 3 juin dernier, en faveur de la formation d’un «gouvernement d’unité nationale».

Si le chef du gouvernement avait accepté de se livrer à cet exercice, c’était qu’il espérait prendre à témoin l’opinion publique, se donner à voir comme victime d’une cabale, blessée dans son amour propre, outrée par les actions malveillantes et vexatoires de certains de ses détracteurs. On lui aurait conseillé de «démissionner pour éviter d’être humilié», a-t-il laissé entendre.

Un soldat au service de la patrie

L’entretien était aussi l’occasion pour dire, à demi-mot, ses griefs contre le chef de l’Etat qui l’avait marginalisé de fait en présentant publiquement son initiative sans l’en informer.

Hier soir, on a été témoin d’un homme seul, blessé et qui, tout en reprenant sa litanie «je suis un soldat au service de la patrie», dissimulait mal sa déception et son aigreur. Mais après presque une heure d’entretien, Habib Essid n’a ni séduit, ni convaincu.

On s’attendait à un sursaut d’orgueil et on s’est trouvé face à une prestation pathétique d’un homme bredouillant, aux abois, qui avait du mal à articuler des propos convenus et redondants, sans mordant et sans saveur.

On s’attendait à un plaidoyer véhément, bien structuré, et on a eu droit à un spectacle désolant, celui d’un homme qui se débat contre sa propre amertume. C’était presque un adieu à la politique que M. Essid était venu annoncer au public, même s’il a tenu à dire qu’il était toujours prêt à servir la Tunisie à quelque niveau que ce soit, n’écartant même pas la possibilité de briguer la magistrature suprême.

Au suivant… 

Désormais, M. Essid est fatalement libre. Reste à savoir, qui va lui succéder. La mission du chef de l’Etat paraît, à ce sujet, assez délicate. L’erreur n’est plus permise. Il y va de sa crédibilité. Ou de ce qui en reste. La leçon du passage d’Essid à la Kasbah vient de nous montrer que la réussite d’un chef de gouvernement réside, en premier lieu, dans sa capacité à bien communiquer, à créer un rapport de proximité avec le public. Le sérieux, le labeur, l’intégrité sont nécessaires, mais insuffisants s’ils n’étaient pas accompagnés d’un travail de pédagogie.

Aujourd’hui, et au-delà des polémiques sur les responsabilités de l’échec, le choix du prochain chef du gouvernement doit être bien pesé pour éviter de tomber dans les mêmes travers, avec un Premier ministre intègre, dévoué et volontaire, comme le fut Habib Essid, grand travailleur devant l’Eternel, mais bredouillant, doublé de tous côtés par les membres de son gouvernement, pris en otages par les partis et livré en pâture à la vindicte populaire. Ce serait en sortant des sentiers battus et en osant qu’on pourrait retrouver l’oiseau rare et se donner l’espoir de voir le pays retrouver un nouveau souffle.

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