La Coalition civile a lancé un appel aux députés pour rejeter le projet de loi sur la réconciliation économique et financière examinée actuellement par la commission de la législation générale.
Ce projet de loi proposé par le président de la république Béji Caïd Essebsi est jugé «incompatible avec la constitution et avec les engagements internationaux de la république tunisienne en matière de droits de l’homme, de lutte contre la corruption et de justice transitionnelle», souligne, dans un communiqué, cette Coalition civile contre le projet de loi de réconciliation économique et financière, qui regroupe une trentaine d’associations, en demandant aux députés de s’abstenir de discuter le projet de loi et, surtout, de le voter.
La Coalition a appelé aussi à soutenir les efforts de la société civile pour tenir une conférence nationale sur la justice transitionnelle à laquelle prendront part toutes les parties prenantes de ce processus «pour trouver des issues aux dossiers des crimes économiques et financiers sur la base du consensus national pour réussir la transition démocratique».
«Contrairement aux objectifs annoncés, les mesures contenus dans le projet affaibliront l’économie tunisienne, renforceront la corruption en maintenant les fonctionnaires impliqués dans la corruption sans jugement, ce qui lancera des messages négatifs aux investisseurs nationaux et étrangers», souligne la Coalition. Elle estime également que «la mise en œuvre de ces mesures donnera des privilèges supplémentaires aux corrompus pour accumuler plus de richesse illégitime et sanctionnera les hommes d’affaires honnêtes qui ont acquis leur richesse de manière légitime, ce qui est en contradiction avec le principe constitutionnel fondé sur l’égalité entre les citoyens».
L’appel de la Coalition aux députés fait aussi remarquer que «l’impunité en matière de corruption affaiblira la confiance des investisseurs en les institutions de l’Etat ainsi que la confiance des citoyens qui souffrent de la crise économique aiguë».
«Amnistier sans raison des corrompus sous l’ère du président déchu donnera l’impression à l’opinion publique que l’Etat tunisien protège la corruption et ne le combat pas, ce qui est incompatible avec les accords internationaux de lutte contre la corruption signés par la Tunisie», souligne, par ailleurs, la Coalition, qui estime que le projet de loi «viole le préambule de la constitution qui appelle à rompre définitivement avec l’iniquité, l’injustice et la corruption et est en contradiction avec l’article 10 de la constitution sur le paiement de l’impôt, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales et la bonne gestion des deniers publics».
La Coalition dénonce également le fait que «le projet stipule que les travaux de la commission de réconciliation soit à huis clos et ne rend pas compte des résultats de ses travaux, en contradiction avec les principes de transparence, d’honnêteté et de reddition des comptes par les services publics selon l’article 15 de la constitution, les dispositions de la justice transitionnelle contenues dans l’article 148 de la constitution qui engage l’Etat à appliquer la justice transitionnelle, y compris dans les domaines économique et financier».
La Coalition estime d’autre part que le projet «perturbe les efforts du processus de justice transitionnelle pour dévoiler la vérité, demander des comptes et exiger des dédommagements, ainsi que la garantie que les violations ne se reproduisent pas puisqu’il retire des prérogatives de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) le traitement des crimes contre les deniers publics et la corruption financière».
«Ce projet garantit le secret des données sur les demandeurs de réconciliation, ce qui entrave l’assainissement et la réforme des institutions publiques, foule aux pieds les droits civils des victimes dont celui de connaître le dossier et les dédommagements et ne garantit pas les procédures d’investigation sur les crimes économiques», ajoute la Coalition civile contre le projet de loi de réconciliation économique et financière qui regroupe une trentaine d’associations, dont l’Association des magistrats tunisiens (AMT), l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la justice (Otij), le Réseau tunisien de la justice transitionnelle (RTJT), la Coordination nationale indépendante de la justice transitionnelle (CNIJT), le Pôle civil de développement et des droits de l’homme (PCDDH) et le mouvement des jeunes Manich Msameh (Je ne pardonne pas).
I. B. (avec Tap).
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