Dans son dernier recueil de nouvelles ‘‘De face et sans chapeau’’, Azza Filali raconte, à la pointe sèche, des hommes, des femmes, des vies, des comportements, des situations et des attitudes.
Par Anouar Hnaïne
Habib attend une promotion, il est debout, face à Si Touhami, un responsable dont le carnet d’adresse est bien rempli, une mouche est au centre de l’histoire… A moins qu’on change de pays et de climat pour nous retrouver à Chicago, sous un ciel couleur métal, une rencontre entre deux femmes et une conversation dans un square… ou encore, on pourra grappiller non sans plaisir une critique photo, juste deux pages et quatre lignes, où il s’agit d’un cliché de mort, en noir et blanc, annotée de considérations personnelles sur la vieillesse, les regrets, les heures de gloire, celle qui dit «Je» dans cette nouvelle n’aime pas le noir et blanc, mais elle excelle dans l’art de la description.
Nouvelles sans transition
En vingt six textes délicieux et 122 pages, Azza Filali, romancière, essayiste et nouvelliste au long cours, nous livre ‘‘De face et sans chapeau’’. Un ensemble de nouvelles harmonieusement «brodées» selon un canevas cohérent où le lecteur puiserait à l’envie et selon son humeur l’histoire à découvrir.
Azza passe maître dans ce jeu; elle jette les passerelles entre les différentes nouvelles sans transition mais avec une fluidité remarquable. L’expression «de face et sans chapeau» signifie, comme tout le monde sait, la pose pour la photo d’identité. Dans l’ouvrage, il est effectivement question de «poses» devant l’œil à la fois alerte et «médusé» d’Azza Filali qui au mot «pose» préfère «attitude». On pourrait ainsi voir la vie, le comportement, les situations des hommes en tant qu’attitude ou une seconde peau (dont il est difficile de se défaire), l’ouvrage est sous titré ‘‘Pointes sèches’’ : le ton est donné.
La substance de la nouvelle c’est le trait
L’exercice de la nouvelle, il faut l’avouer, peut paraître moins difficile, moins besogneux que la construction d’un roman. Pourtant, parmi les grands écrivains qui se sont donnés à plusieurs genres, citons au passage Paul Morand qui avoue que la nouvelle est non seulement un genre à part mais requiert un bagage (des outils de narration, etc.) et surtout le trait juste.
Nous y voilà, ce qui fait la substance de la nouvelle c’est le trait. Et ce dernier est généralement le résultat d’une longue observation des gens, de leurs qualités, les détails de leurs habits, leur physionomie, le cadre de leur vie, leur ambition, leur désillusion, bref leur vie résumée dans son espace et son temps.
Et du trait, il est fortement question dans ‘‘De face et sans chapeau’’, Azza en a le sens et la façon de l’enrichir, les exemples n’en manquent pas dans son dernier livre.
* ‘‘De face et sans chapeau’’, nouvelles, Ed. Elyzad, Tunis 2016, 122 p.
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