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Un infréquentable co-président nommé Rached Ghannouchi

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Rached Ghannouchi reçu le 13 octobre 2016 par le président Béji Caïd Essebsi : une insupportable co-présidence. 

Rached Ghannouchi n’est pas digne d’être reçu en grande pompe au Palais de Carthage afin de co-présider, jusqu’en 2019, aux destinées des Tunisiennes et Tunisiens.

Par Jomâa Assâad *

Interviewé par ‘‘Al-Qods El-Arabi’’, Rached Ghannouchi a déclaré que «Daech représente l’islam en colère». Le leader d’Ennahdha a surenchéri: «Lorsqu’on on est en colère, on peut se laisser aller jusqu’à commettre des folies».

Pour tout lecteur, normalement constitué allais-je dire, ceci reviendrait à assimiler les actes des «Daéchiens» à des actes de folie. Ce qui constituerait, au bout du compte, une condamnation des méfaits de l’organisation terroriste de l’Etat islamique ou Daech.

Une connaissance plus approfondie de la logorrhée de M. Ghannouchi montrera qu’il n’en est rien en fait. Les écrits du théoricien de l’«islamisme» en Tunisie se caractérisent par une particularité, à ce point accentuée, qu’elle en devient singulière. Le conséquent, chez ce rhéteur confirmé, contredit scrupuleusement l’antécédent. A tel point que l’on serait fondé à en faire l’archétype du sophisme réussi.

L’Etat islamique selon le président d’Ennahdha

Il nous a été donné de consulter, pour les besoins de la cause, certains de ses écrits, notamment son livre ‘‘Les libertés publiques dans l’Etat islamique’’. Un exemple, entre tous, significatif. Ayant intitulé l’un des chapitres de son livre : «La citoyenneté générale et particulière», il commence par y déclarer: «L’homme, nonobstant ses croyance et nationalité, jouit du droit imprescriptible à vivre dignement. Ce faisant, il a le droit d’adhérer aux principes et objectifs constituant le fondement de l’Etat, sachant que l’islam en est la pierre angulaire, ou de s’y refuser. S’il y adhère, étant musulman, il ne se distinguera de ses frères musulmans que par ses aptitudes. En revanche, s’il s’y refuse, il sera alors contraint, afin d’acquérir les droits de citoyenneté, à faire signe d’allégeance à l’Etat [islamique], reconnaissant son autorité et s’abstenant de mettre en péril sa sécurité par toute forme de désobéissance armée ou d’allégeance au profit de ses ennemis. Cependant, sa citoyenneté sera d’ordre particulier et ne deviendra pleine et entière qu’une fois converti à l’islam» (op. cit., pp. 290 à 292). S’ensuit une longue liste de restrictions et brimades au détriment de notre pauvre non-musulman, contrevenant au postulat de départ : «droit imprescriptible à vivre dignement». Si bien, qu’au bout du compte, la prémisse posée au début du laïus est totalement contredite par la conclusion qui en constitue la chute. Le but du jeu consistant à opposer à tout éventuel contradicteur la prémisse, montrant patte blanche, et à faire passer le message «obscurantiste» sous couvert de développement du principe, «politiquement correct», énoncé en premier lieu.

L’exercice de décryptage est encore plus ardu lorsqu’il s’agit de décrire le modus operandi destiné aux milices islamistes. Pour décoder le message du cheikh à ses «disciples», il faudrait, en l’occurrence, procéder au moyen d’un raisonnement par l’absurde. Déclarant que : «[Le mouvement islamiste] doit agir en plein jour. Même si les circonstances l’amènent à quitter, provisoirement, l’avant-scène politique, pour se consacrer à l’action culturelle et sociale. Tant il est vrai que la réalisation de l’intégralité des objectifs de la religion n’est pas un devoir requis, à tout moment, du musulman, mais qu’il demeure tributaire de l’opportunité» (op. cit., p. 313), notre stratège détermine pour ses «fidèles» la marge de manœuvres en cas de passage à la clandestinité. Les mots d’ordre en sont : noyautage (action sociale), endoctrinement (action culturelle) et efficience «opérationnelle» (opportunité).

Or, pour peu que l’on se remémore un principe incessamment martelé par le théocrate : «La Foi [musulmane] constitue le principe et l’objectif de l’Etat islamique» (op. cit., p. 314), l’on constatera que pour la tête pensante des islamistes tunisiens, l’action occulte des actuels Nahdhaouis demeure une constante et la publicité une simple variante. Une nébuleuse agissant dans l’ombre et dont la cible privilégiée est l’honnête citoyen tunisien. «Le mouvement islamiste doit prioritairement cibler la foule plutôt que d’approcher l’élite» (op. cit., p. 313), intime-t-il à ses colonnes en bon ordre de marche. Et c’est au moyen de ce genre de mots d’ordre, aussi populistes que démagogiques, que nous nous retrouvons, s’agissant des Nahdhaouis, aux antipodes de la fameuse image d’Epinal, véhiculée lors des élections de 2011 : «Votez pour ceux qui craignent Dieu».

Le wahhabite Ghannouchi blanchit les Daéchiens

Pour l’heure, munis de notre grille de lecture, revenons-en aux déclarations du cheikh. Nous en étions aux supposées «folies» commises par les Daéchiens.

A lire le développement de cette prémisse, elles ne seraient plus si folles que ça leurs folies. Elles trouveraient même leur justification dans le fait que : «Les sunnites ont subi le supplice de Tantale en Irak et en Syrie». Précisant sa pensée, il ajoutera : «Lorsque les chiites comprendront qu’il est impossible de développer leur secte dans la zone, tous les problèmes seront résolus».

Outre le fait que M. Ghannouchi dédouane de la sorte Daech des atrocités commises, ce qui est une constante chez lui. Ne disait-il pas des jihadistes qu’«ils lui rappelaient sa jeunesse»? Propos sortis de leur contexte? Soit. Mais n’est-ce pas le même cheikh qui disait : «Les courants islamistes prônant la violence, bien qu’étant minoritaires, ne l’ont pas fait pas principe, mais en réaction à la violence de l’Etat et à l’obstruction totale de tout horizon» (op. cit., p. 312)? Citant un manifeste du jihad, Rached Ghannouchi finit par conclure: «Ce manifeste [des jihadistes] comporte des arguments assez convaincants auprès des milieux islamistes» (op. cit., p. 279).

Cette fois-ci, c’est en wahhabite que le cheikh blanchit les Daéchiens. Wahhabisme qu’il revendique lui-même dans son introduction au livre ‘‘Les libertés publiques dans l’Etat islamique’’, désignant : «l’apôtre de l’unicité: le cheikh Muhammad Ibn Abd Al-Wahhab» comme étant son maître à penser, ou pour reprendre sa propre expression «le pionnier de l’Université islamique» (op. cit., p. 5).

Et c’est en invoquant une guerre sunnite-chiîte, qui n’a de réelle existence que dans l’anachronique paranoïa wahhabo-saoudienne, qu’il légitime l’horreur daéchienne. N’étant pas à un anachronisme près – n’est-ce pas lui qui déclarait en plein 21e siècle : «Pour le mouvement islamiste, le modèle de gouvernement et de civilisation c’est l’Etat du Prophète et des califes lui ayant immédiatement succédé» (op. cit., p. 314) ? –, il ose encore discourir des projets «modernistes» d’Ennahdha en faveur des Tunisiennes dont, souligne ce fin lettré et non moins avant-gardiste politologue, «les principales caractéristiques s’articulent autour de leurs fonctions sexuelles» (‘‘La femme entre le Coran et la réalité des musulmans’’, p. 50).

Alors, monsieur le président de la république, persisteriez-vous à penser que pareil personnage soit digne d’être reçu en grande pompe au Palais de Carthage afin de co-présider, jusqu’en 2020, aux destinées des Tunisiennes et Tunisiens ?

* Universitaire.

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