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Projet de la loi de finances 2017 : La solitude du gouvernement

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Si les solutions envisagées par le gouvernement pour améliorer ses recettes fiscales ne sont pas bonnes, il faudrait en trouver d’autres qui le soient vraiment.

Par Wajdi Msaed

L’association Kolna Tounes a organisé, le vendredi 4 novembre courant, une table-ronde sur «le projet de loi de finances 2017 entre les demandes sociales et les défis économiques», avec la participation d’acteurs de la société civile, de représentants de partis politiques, d’universitaires et d’experts financiers.

La séance, animée par Riadh Zaoui, président de la commission économique et sociale au sein de Kolna Tounes, a réuni, notamment, Mongi Rahoui, président de la commission des finances à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Fatma Marrakchi, universitaire, et économiste, et Zouheir Belkadhi, chargé de mission auprès de la ministre des Finances.

Les sacrifices doivent être partagés

Ce projet de loi, qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours, est-il en mesure de répondre aux attentes des Tunisiens en cette période critique par laquelle passe leur pays? Pourquoi certains secteurs de la société le rejettent-ils catégoriquement dans un esprit de solidarité corporatiste? Ce projet est-il en parfaite harmonie avec l’esprit du ‘‘Document de Carthage’’ , fixant les priorités du gouvernement d’union nationale présidé par Youssef Chahed, et notamment en matière de lutte contre la corruption? Faut-il provoquer un choc psychologique pour sensibiliser les citoyens et les encourager à accepter les solutions envisagées par le gouvernement, dont les membres, ainsi que tous les responsables politiques, toutes catégories confondues, doivent donner l’exemple en matière de sacrifices pour aider à sauver le pays d’une banqueroute annoncée? Le gouvernement, qui cible les travailleurs, les fonctionnaires et les opérateurs économiques, à travers le gel des salaires et la hausse des taux d’imposition, pour améliorer les recettes de l’Etat, ne devrait-il pas cibler plutôt les réseaux de la contrebande et du marché parallèle, dont les barons représentent l’essentiel du manque à gagner fiscal? Ne devrait-il pas aussi s’activer pour restituer l’argent spolié par les malfaiteurs de l’ancien régime et vendre leurs biens confisqués?

Toutes ces questions ont été soulevées au cours du débat engagé à la suite des trois interventions inscrites au programme.

Zouheir Belkadhi a mis en exergue le contexte politique et socio-économique difficile dans lequel s’inscrit le projet de loi de finances 2017, faisant remarquer que le taux de croissance, qui est en berne, variant entre 1 et 2%, ne permet pas l’amélioration des ressources financières de l’Etat provenant en majeure partie des impôts directs et indirects. «Avec la stagnation du taux de croissance, due au manque d’investissements et de création de richesse, les recettes d’impôt ne peuvent qu’être faibles, ce qui aggravera le déficit courant et l’endettement, qui atteint actuellement quelque 63% du PIB», a-t-il expliqué.

Des solutions autres que la hausse des impôts

Après avoir souligné que l’Etat, qui dispose d’une vision claire à travers le plan de développement 2016-2020, le ‘‘Document de Carthage’’ et le programme du gouvernement, fait face à trois défis liés et complémentaires: l’instauration d’un climat social approprié, la reprise du rythme de croissance économique et l’assainissement des finances publiques, M. Belkadhi a voulu terminer sur une note optimiste, en indiquant qu’une lueur d’espoir commence à pointer à l’horizon avec la reprise de l’activité dans le secteur du phosphate et celui du tourisme, qui reprend son souffle, grâce à la relance des activités de croisières et l’amélioration du trafic aérien.

«Le grand mérite de ce projet de loi, c’est qu’il a permis d’ouvrir largement le débat sur tous les problèmes posés. Il nous a mis devant notre incapacité à définir le modèle de développement socio-économique susceptible de répondre aux attentes du citoyen et de faire face efficacement au chômage, à la pauvreté et aux écarts entre les régions», a précisé, de son côté, Mongi Rahoui. Le député du Front populaire a appelé, ensuite, à un dialogue sérieux en vue d’aboutir à des solutions autres que la hausse des impôts, dont l’élargissement du champ de l’imposition fiscale aux catégories socioprofessionnelles actuellement hors circuit.

Fidèles à ses positions altermondialistes et à son hostilité aux mesures ultralibérales préconisées par la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), Mongi Rahoui a appelé le gouvernement à tourner le dos aux recettes imposées par ces deux institutions et à adopter des solutions autres que l’endettement et qui soient créatrices de richesses. «Le gouvernement d’union nationale doit assumer son entière responsabilité dans la mise en route des réformes et l’élaboration d’une loi de finances en harmonie avec son plan de développement», a-t-il ajouté.

Tout en rappelant que la croissance est le principal moteur du développement, M. Rahoui a affirmé que le budget de l’Etat pour 2017, tel que présenté à l’ARP, ne va pas contribuer à la relance du processus de développement dans les régions, car il contient de nombreuses mesures d’austérité qui vont priver les générations montantes de leurs droits à la santé, à la scolarisation et à des conditions de vie décente. Tout en prétendant vouloir combattre l’évasion fiscale, ce projet va, plutôt, l’encourager et l’aggraver, a-t-il encore estimé.

Réconciliation du citoyen avec l’administration fiscale

Tout en déplorant la reprise de l’inflation et, son corollaire, la dépréciation du dinar tunisien, Fatma Marrakchi a estimé, de son côté, que le taux de croissance de 2,5% prévu pour 2017 ne sera pas facile réaliser, sachant que celui de 2016 risque de ne pas atteindre 1,5%, du fait de la régression de la production agricole, entre autres secteurs économiques.

«Le recours au financement étranger n’est pas un problème en soi à condition de savoir le maîtriser et de l’orienter vers la création des richesses garantissant la croissance», a-t-elle dit, tout en faisant part de son inquiétude face à «la tendance baissière de l’investissement public, qui, on le sait, se répercute souvent négativement sur l’effort du secteur privé».

Pour réduire le déficit de la balance commerciale, qui ne cesse de se creuser, Mme Marrakchi a proposé de revoir à la baisse certaines activités se traduisant par des dépenses en devises étrangères, comme les autorisations pour la «ômra» (petit pèlerinage). Elle a aussi proposé que l’Etat se dessaisisse de ses parts dans le capital de certains établissements bancaires.

«La solution n’est pas dans la mise en place d’une police fiscale, comme préconisé par le projet de la loi de finances 2017, qui revêt un caractère répressif, elle réside, au contraire, dans la réconciliation du citoyen avec l’administration fiscale», a-t-elle dit en conclusion.

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