La salle du ciné-théâtre Le Rio a accueilli le soir du mardi 27 décembre courant un concert inédit du groupe Alphawin Populaire. Il fallait y être…
Par Fawz Ben Ali
Après le succès de son premier projet Bargou 08, le Front Musical Populaire lance une deuxième expérience baptisée Alphawin Populaire dans le même esprit de revisiter la musique tunisienne populaire, et toujours sous la houlette du chanteur et leader des deux projets Nidhal Yahyaoui qui avait, à travers Bargou 08, rendu hommage au patrimoine musical de sa ville natale Siliana, le nom du groupe rappelant la montagne de Bargou et l’indicatif régional de cette zone du pays.
Une musique atypique réconciliant patrimoine et modernité
Pour ce nouveau projet produit par le Centre culturel international de Hammamet, Nidhal Yahyaoui a souhaité explorer les rythmes particuliers provenant des différentes régions du pays. La concrétisation est née lors d’une première résidence à Dar Bach Hamba, à la médina de Tunis, où il s’était entouré de Jihed Khemir (claviers et percussions), Imed Falfoul (percussions), Montassar Jebali (mézoued) et Benoit Bouvot à la guitare électrique pour la touche moderne et rock.
Après deux concerts réussis à Dar Bach Hamba et au Fort de Hammamet, dans le cadre des soirées Outdoor du Festival international de Hammamet 2016, ces musiciens confirment encore une fois, sur la scène du Rio, le succès de leur projet qui défend une musique atypique où le patrimoine se réconcilie avec la modernité, devant une foule de quelques 500 mélomanes venus découvrir ou redécouvrir un groupe étonnant et une musique comme on en entend rarement, celle d’un électro-mezoued déchaîné.
Un électro-mezoued déchaîné
Une fusion du titre malouf ‘‘Masaba Akli’’ et de la chanson phare d’El-Hadhra ‘‘Nemdah Laktab’’ a ouvert le bal de la soirée et le public a été de suite embarqué dans la transe, beaucoup n’ont d’ailleurs pas tardé à se laisser aller à la danse notamment sur ‘‘Afrah beya’’ ou ‘‘Om ezzine jamaleya’’.
Il est en effet difficile de résister au plus populaire des genres musicaux dans le pays, à savoir le mézoued. Qu’il soit à caractère festif ou nostalgique, le mézoued a longtemps été ignoré par les instances culturelles officielles mais grâce aux jeunes artistes, il est de plus en plus remis au goût du jour dans un habillage moderne, rénové sans être déformé. Ces initiatives ont le mérite de stimuler chez les jeunes un intérêt pour un patrimoine au bord de l’oubli, le public était d’ailleurs ce soir-là majoritairement jeune.
Le rythme est monté d’un cran avec le très attendu ‘‘Rakeb al hamra’’, suivi de ‘‘Sidi Abdelkader’’, ‘‘Baba Ali Azouz’’ ou encore ‘‘Ala bab darek’’. Le succulent mélange entre les sonorités du mézoued et celles de la guitare électrique a donné une fresque musicale où la symbiose des instruments était de toute beauté.
Avec sa voix haut perchée, sûre et imposante, Nidhal Yahyaoui, accompagné de son outar, a su défendre et actualiser cet héritage si riche.
Navigation entre les frontières musicales
Alphawin Populaire c’est le mariage improbable mais efficace des chansons traditionnelles avec les rythmes électro. Un travail de recherche et de grande maturité artistique distingue ce groupe qui a déniché les perles de l’archive musical tunisien pour y insuffler une bonne dose de vibrations rock. La fusion est une formule qui marche, car tout est permis dans l’art pour qui sait naviguer aisément entre les frontières musicales.
On est enclin à avancer le déclin inéluctable de la chanson tunisienne populaire, en particulier le mézoued, mais heureusement que certains nous rappellent que tout y est encore possible, il suffit de réinterpréter les grands standards sans se laisser coller les étiquettes d’un genre prédéfini.
C’est avec ‘‘Mani oulaydak’’ que ce concert de près d’une heure et demi a pris fin. Le public a applaudi sans réserve, et on a même eu droit à des youyous dans cette grande fête de la musique tunisienne.
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