Une mission tunisienne de prospection est prévue du 13 au 15 janvier courant en Pologne. Gros plan sur un marché porteur pour les exportateurs tunisiens.
Par Habib Glenza *
En 1990, la Pologne passe d’une économie contrôlée à une économie de marché et de libre échange. Vingt-six ans après, ce pays de plus de 38 millions d’habitants devient la 6e puissance économique européenne, affichant un remarquable taux de croissance de 3,9%.
Une réelle opportunité pour les produits tunisiens
Premier producteur européen de pommes et de meubles et 3e producteur de bus et de viande de poulet, la Pologne compte plus de 15.000 unités commerciales toutes catégories confondues, dont 1.500 hypermarchés, hyper gros et supermarchés appartenant à 7 marques étrangères et 19 locales, sans compter les hypermarchés, les hyper gros et les supermarchés spécialisés dans la vente de produits industriels: meubles, IT, électroménager, matériaux de construction, équipements et autres produits.
La Pologne dispose également d’une excellente infrastructure routière, ferroviaire, aérienne et fluviale, de plusieurs grosses sociétés de transport international routier et maritime, de deux grands ports d’envergure internationale, Gdansk et Szczecin, et de plusieurs aéroports,
Le marché polonais est ouvert à l’importation de produits agroalimentaires tunisiens, tout simplement parce que la Pologne ne produits pas d’agrumes, de dattes, de grenades, de raisins, de légumes frais pendant l’hiver, de poissons, de crustacés, de pâtes et de halwa chamia.
Pour les produits industriels, tels que les chaussures, les vêtements, les composants électriques pour voitures, les pneus et les services, il n’y a aucune restriction.
La Pologne importe ses besoins en produits agroalimentaires de tous les coins du monde : Etats-Unis, Chine, Israël, Turquie, Maroc, Inde, Argentine, Chili, Brésil, Australie, Afrique du sud, Vietnam et autres pays. D’ailleurs, certains produits agroalimentaires mettent plus de 9000 kms pour arriver sur le marché polonais (viande fraîche d’Argentine et poisson frais d’Australie).
L’inexplicable absence des produits tunisiens en Pologne
Les échanges extérieurs de la Tunisie sont réalisés à près de 80% avec l’Union européenne (UE), dont plus de 65% avec la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et le Benelux, tandis que ses échanges commerciaux avec la Pologne ne dépassent guère 3% de ses échanges globaux.
Pourquoi cette dépendance vis-à-vis de 4 ou 5 pays membres de l’UE? Est-elle due à l’attachement sans réserve de nos entreprises aux marchés traditionnels de l’UE, au manque d’informations sur les autres marchés ou encore à cause de notre manque de volonté et d’agressivité? Pourquoi sommes-nous si attachés à des pays qui produisent les mêmes produits agroalimentaires que nous: huile d’olive, agrumes, pâtes, raisin, vin, légumes frais, sachant que ces pays cherchent par tous les moyens à saboter l’importation de nos produits sur leurs marchés ?
Rappelons-nous, à ce propos, des protestations des agriculteurs italiens et espagnols, suite à la décision de l’UE d’augmenter temporairement les quotas concernant l’exportation de l’huile d’olive tunisienne, pour aider la Tunisie à surmonter sa crise économique. Pourquoi doit-on vendre à l’Espagne et à l’Italie 90% de notre production d’huile en vrac? Est-ce un diktat ou une mainmise de ces pays sur le marché mondial de l’huile d’olive? N’est-il pas judicieux de prospecter sérieusement d’autres marchés de l’UE, en particulier ceux des pays de l’Europe centrale: la Pologne et ses voisins, l’Ukraine, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonien, la République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie, la Biélorussie et la Russe, dont le nombre total d’habitants dépasse 400 millions?
Quelle que soit la raison, l’absence de nos produits agroalimentaires sur le marché polonais suscite plus d’une interrogation. Elle n’est ni justifiée ni compréhensible, d’autant plus que nous disposons d’excellents produits agroalimentaires pouvant trouver leur place sur les étalages des supermarchés et intéresser les consommateurs dans ces pays.
On sait que produire ne suffit plus pour exporter; il faut aussi connaître chaque marché et ses besoins, répondre aux normes spécifiques en matière de qualité de produits, d’emballage et d’hygiène. Il faut impérativement respecter les délais de livraison et de paiement. Bref, il faut voir la «mentalité de l’exportation», qui fait malheureusement encore défaut chez nous.
La participation aux salons spécialisés est très coûteuse et peu rentable car, aujourd’hui, le client ne veut plus quitter son entreprise. Or, grâce à un PC, un réseau internet et une ligne téléphonique, une société peut acheter, vendre et communiquer en temps réel avec toutes les entreprises du monde entier, pourquoi alors voyager pour visiter les salons.
Quant aux conseillers commerciaux des ambassades, ils n’ont ni le temps ni les moyens pour avoir des contacts directs avec toutes les entreprises du pays de résidence.
Pour la création d’un centre d’assistance à l’exportation
Un Centre d’assistance à l’exportation (CAE) est un intermédiaire entre une société exportatrice et un client. Il ne vend rien, mais fait de la promotion. Disposant d’un call-center et d’une salle d’exposition permanente de produits tunisiens destinés à l’exportation, il organise des journées de dégustation et transmet les bases de données des clients potentiels aux intéressés.
Le CAE doit être dirigé par un Tunisien résident dans le pays ciblé, qui connaît parfaitement sa langue, sa mentalité et ses besoins.
Il est réalisé dans le cadre d’un contrat entre le Centre de promotion des exportations (Cepex) et les sociétés tunisiennes exportatrices qui le financent et est supervisé par le conseiller commercial de l’ambassade voire l’ambassadeur lui-même.
La création d’un tel centre est indispensable si on veut sérieusement exporter sur les nouveaux marchés extérieurs, comme ceux de la Pologne, de l’Ukraine ou de la Biélorussie. La Turquie l’a déjà fait et c’est un CAE qui lui a permis de s’installer durablement sur le marché polonais. Cette expérience mérite d’être dupliquée.
* Conseiller à l’exportation, agréé par le ministère tunisien du Commerce.
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