L’alliance «contre-nature» entre les laïcs et les islamistes scellée par Caïd Essebsi et Ghannouchi prend de l’eau. Et c’est le gouvernement Chahed qui est en train de couler.
Par Abderrazek Krimi
Le président de la république Béji Caïd Essebsi s’est entretenu hier, mercredi 12 avril 2017, avec le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Selon la page officielle de la présidence de la république, MM. Essebsi et Ghannouchi ont passé en revue la situation générale dans le pays et souligné la nécessité de trouver des solutions consensuelles pour les différentes revendications sociales actuelles. Ils ont, en outre, discuté des «conditions nécessaires pour la réussite des prochaines échéances électorales et de l’importance de l’adhésion de tous les partis au processus électoral».
Un gouvernement sous haute tension
Cette rencontre s’inscrit dans le contexte particulier des fortes tensions sociales qui secouent actuellement les régions intérieures. Et rien n’indique que les deux «cheikhs» ont trouvé la solution miracle pour débloquer la situation et desserrer l’étau qui semble se resserrer autour du gouvernement d’union nationale dont ils ont été les principaux instigateurs.
Ce qui est évident, en revanche, c’est que l’alliance «contre- nature» entre leurs partis respectifs, Nidaa Tounes et Ennahdha, loin d’apporter les solutions promises aux différents problèmes du pays, notamment ceux liés au développement régional, est devenue le principal problème du pays, ces deux partis jouant des partitions aux antipodes l’une de l’autre et poursuivant des objectifs différents sinon opposés, ce qui n’a pas facilité la tâche du chef du gouvernement Youssef Chahed, qui semble complètement lâché par ceux-là mêmes qui sont censés être ses principaux soutiens.
N’a-t-on pas vu des dirigeants d’Ennahdha alimenter (et même conduire) les mouvements de protestation dans les régions ? N’a-t-on pas entendu les dirigeants de Nidaa Tounes critiquer sévèrement le bilan du gouvernement ? C’est surréaliste, mais c’est la triste réalité à laquelle M. Chahed est confronté…
Une voie suicidaire
On comprend dès lors que des voix s’élèvent, au sein même de Nidaa et de la mouvance centriste pour dénoncer l’alliance entre Nidaa et Ennahdha et s’opposer fermement à l’implication du parti islamiste dans tout plan de sauvetage du pays, tant ce parti continue sa politique fondée sur la duplicité et l’hypocrisie, maintenant un pied dans le gouvernement et un autre dans l’opposition, affichant un soutien tapageur au gouvernement tout en oeuvrant, en sous-main, à le faire tomber. La couleuvre est trop grosse et même si M. Caïd Essebsi est encore disposé à l’avaler, peu de Tunisiens le suivront davantage sur cette voie suicidaire.
D’autre part, la question des prochaines élections municipales semble compliquer la situation en apportant son lot de défis pour MM Caïd Essebsi et Ghannouchi. Car, de tous les partis politiques, seuls Nidaa Tounes et Ennahdha approuvent la date du 17 décembre 2017, fixée par l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) pour la tenue de cette échéance.
Des observateurs se demandent, par ailleurs, si les deux partis alliés au gouvernement vont maintenir leur alliance lors des élections municipales et présenter ainsi des listes communes susceptibles de leur garantir la victoire sur leur concurrents et détracteurs ? ou bien vont-ils rompre, momentanément, cette alliance pour que chacun puisse jouer sa propre partition pour montrer son poids sur l’échiquier politique, avec ce que cela peut engendrer comme redistribution des cartes et changement dans le rapport des forces au sein de la coalition gouvernementale.
La seule certitude est que MM. Caïd Essebsi et Ghannouchi semblent avoir des inquiétudes quant à l’avenir de leur alliance, surtout qu’ils se trouvent tous les deux dans une position difficile, ne contrôlant plus vraiment leurs troupes respectives.
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