Ahmed Souab / Ameur Meherzi, bâtonnier de l’Ordre des Avocats.
Récemment parti à la retraite, l’ancien juge au Tribunal administratif, Ahmed Souab, s’est vu refuser le droit de porter la robe d’avocat par le Conseil de l’Ordre.
Par Zohra Abid
Le dossier d’inscription a été déposé au barreau le 16 mars dernier, a indiqué à Kapitalis le célèbre magistrat, connu par son intégrité et son franc-parler et jouissant d’une bonne presse. «Il y a eu un premier report de mon inscription le 24 avril. La seconde délibération du Conseil de l’Ordre a eu lieu le 6 juin courant et on a décidé d’un nouveau report. Ces reports consécutifs équivalent à un rejet. Il s’agit tout simplement d’une ruse pour ne pas m’inscrire. J’ai déposé une plainte contre l’Ordre des avocats. L’affaire sera examinée par la cour d’appel, le 6 juillet prochain», a expliqué M. Souab.
Qui a peur du juge Souab ?
Ne s’expliquant pas sur le report de son inscription et sans invoquer le moindre motif, alors que son dossier est complet, le magistrat en est réduit à des supputations et à quelques soupçons. «Toutes les conditions sont remplies et il n’y a aucune raison pour ce nouveau report qui s’apparente davantage à un rejet non assumé. Cette décision, ou absence de décision, s’appuie sur des raisons extra juridiques inavouables», a-t-il ajouté.
Le fait que le Conseil de l’Ordre soit constitué, actuellement, d’une majorité d’ex-Rcdistes (ancien parti au pouvoir dissout au lendemain de la révolution) et d’avocats affiliés au parti islamiste Ennahdha, est la seule explication plausible. M. Souab est peut-être trop intègre ou pas assez malléable, peut-on penser.
«Je suis honnête mais agressif quand il faut et pour la bonne cause; et cela tout le monde le sait. Mais pour être honnête, le parti Ennahdha me soutient contre la décision de ses bases», a tenu à ajouter l’ex-magistrat, qui donne rendez-vous à ses «confrères» au prochain congrès des avocats. Et pour cause: «L’inscription ne peut être reportée indéfiniment et le droit finira par prévaloir sur les calculs et les intérêts», dit-il.
M. Souab a sa petite idée sur la défiance où le tiennent les membres du Conseil de l’Ordre des avocats. «Dans certains barreaux, on refuse, généralement, et à 90%, d’inscrire les avocats issus du petit peuple. Et je n’ai jamais caché mon hostilité à cette démarche. J’ai également été aux côtés des avocats tunisiens diplômés d’Algérie et dont l’inscription au barreau a été rejetée par l’Ordre des avocats qui les a beaucoup humiliés. J’ai commis aussi un autre « crime » en prononçant, en janvier 2017, un jugement en faveur d’un jeune avocat originaire de Sidi Bouzid, qui exerce aujourd’hui. Je crois fermement que l’Ordre des avocats ne m’a jamais pardonné ces positions».
Ahmed Souab, on le sait, est du genre combatif. Il ne va pas se laisser faire, surtout qu’il est persuadé de son bon droit et a horreur de l’injustice, surtout quand elle est commise par des gens censés être les défenseurs du droit.
Les amis, ça existe encore!
Le juge Souab, qui dit être parti à la retraite avec une épargne de seulement 1000 dinars tunisiens (DT), a dû emprunter à des amis la somme de 19.000 DT pour pouvoir payer les frais de son inscription. Le montant exigé par l’Ordre des avocats, qui était de 5000 DT, est monté, en effet, subitement, à 20.000 DT. «Je tiens à préciser que je suis fier de mes origines modestes et de mon enfance passée entre Mellassine et la Cité Ezzouhour», ajoute le juge Souab.
Depuis son départ à la retraite et la remise des clefs de la voiture de fonction à l’Etat, c’est un ami qui l’a dépanné et lui a prêté un véhicule pour qu’il puisse se déplacer. «Je dois également remercier mon ami de longue date, l’avocat Imed Ben Khamssa, qui a accepté que je partage avec lui son cabinet, sans verser un sou pendant un an», a ajouté Ahmed Souab, qui remercie, au passage, tous les amis qui le soutiennent, rien que parcequ’il est intègre et patriote. Et parmi eux, son avocat Abdeljaoued Harazi, qui va plaider sa cause dans un mois devant la cour d’appel.
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