Un collectif de 12 personnalités internationales a exprimé son étonnement de voir la Tunisie figurer sur la «liste noire européenne des paradis fiscaux.»
Lettre traduite de l’anglais par Marwan Chahla
Nous publions ici une traduction de cette correspondance postée aujourd’hui, mercredi 20 décembre 2017, par le quotidien économique et financier britannique, ‘‘Financial Times’’.
«Monsieur,
Nous étions très étonnés, au début de ce mois, de découvrir que les ministres des Finances de l’Union européenne avaient décidé de faire figurer la Tunisie sur une liste de 17 pays qu’ils considèrent comme étant des paradis fiscaux («Les ministres des Finances de l’UE blacklistent 17 ‘paradis fiscaux’», 5 décembre).
Les raisons de cette décision semblent très techniques et s’appuient sur des bases étroites. Elles sont vraisemblablement la conséquence d’une incompréhension des efforts consentis par le gouvernement tunisien à moderniser ses règles d’action en traitant avec les entreprises et les investisseurs étrangers.
Depuis la chute du président Zine El-Abidine Ben Ali, il y a près de sept ans, la Tunisie n’a eu cesse de se battre pour construire des institutions démocratiques – et c’est la seule démocratie arabe, aujourd’hui, même si ces racines peuvent être fragiles.
La décision prise par l’UE portera atteinte à l’image du pays à l’étranger et nuira à sa confiance auprès des investisseurs potentiels à un moment où, ayant fait face avec succès à la menace terroriste et souffrant encore des conséquences de la crise en Libye voisine, un marché principal pour les exportations tunisiennes, le gouvernement déploient tous ses efforts pour relancer la croissance économique et générer les emplois dont le pays a tant besoin.
De toute évidence, une croissance économique plus rapide est un préalable fondamental pour le renforcement de la démocratie en Tunisie.
L’instabilité en Libye coûte annuellement à la Tunisie 2% de croissance de son produit intérieur brut. Et cela explique le faible taux de croissance que connaît le pays – cette année, il sera de 1,3%.
A ce stade précis de son histoire, la Tunisie mérite mieux que de figurer sur la liste noire des paradis fiscaux.
Nous avons tous traité avec la Tunisie – en tant qu’investisseurs, diplomates, économistes et journalistes – depuis plusieurs années. Ce pays n’a jamais été un paradis fiscal, par le passé, et il ne l’est pas aujourd’hui, non plus.
Si l’UE tient réellement à sa politique de voisinage et à son souhait d’apporter son appui à la promotion de la démocratie dans les pays de la rive méridionale de la Méditerranée, le plus tôt ses ministres des Finances reviennent sur leur décision sera le mieux.»
Signée par:
Farid Abbes, président de la Setcar,
Christian de Boissieu, professeur à l’Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne),
Francis Ghilès, chercheur principal auprès du Barcelona Centre for International Affairs,
Elisabeth Guigou, ancienne ministre et ancienne députée du parlement français,
Jean-Louis Guigou, président d’IPEMED,
Habib Karaouli, Pdg de la Capital African Partners Bank,
Denis MacShane, ancien ministre d’Etat britannique pour les Affaires européennes,
Radhi Meddeb, président du Groupe BTK-BPCE,
Miguel Angel Moratinos, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères,
Dominique Nouvellet, member du Consel d’Africinvest et cofondateur de la Siparex Private Equity,
Dhafer Saidane, professeur à la Skema Business School et membre du Conseil d’analyse économique du premier ministre tunisien,
Jacques Sapir, professeur à l’EHESS de Paris.
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