Noureddine Taboubi-Yousef Chahed : ces deux hommes doivent s’entendre…
Il y a crise dans les collèges et lycées du pays, une crise bien plus grave que ce que le ministère de l’Enseignement, le syndicat de Lassaad Yacoubi, L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), visiblement dépassée, les parents d’élèves et toute l’opinion publique ne semblent réaliser…
Par Marwan Chahla
Hier donc, dimanche 22 avril 2018, en réponse à la poursuite de la rétention des notes par les enseignants et leur décision d’entamer, depuis mardi dernier, une grève ouverture, l’ordre a été donné par le ministre Hatem Ben Salem – et, il faut également comprendre, par le chef du gouvernement Youssef Chahed – de déduire six jours des salaires des enseignants grévistes, qui boycottent les cours depuis mardi dernier.
Désormais, donc, il y a une non-remise de notes et une grève ouverte contre refus de négociations et une réduction de salaires.
Essayons de résumer la situation: si cette déduction d’une partie des salaires des enseignants grévistes est mise à exécution, cela impliquerait inévitablement que le syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES), monté comme il est, poussera encore plus loin son jusqu’au-boutisme à quelques courtes semaines des examens de fin d’année.
La ligne rouge de l’année blanche
Bref, en l’espace des deux ou trois prochains jours, le sort de toutes les années scolaires – de la maternelle à l’université, en passant par le primaire et le secondaire – sera bouclée de la pire des manières, c’est-à-dire par le franchissement de la «ligne rouge» de l’année blanche – pour emprunter la formule du secrétaire général de l’UGTT), Noureddine Taboubi, piégé par l’«extrémisme» de ses troupes.
Rendons-nous bien compte de la gravité de cette impasse: le blocage auquel nous assistons aujourd’hui dans le secondaire risque de paralyser cette année, de bout en bout, l’enseignement en Tunisie, du primaire au supérieur.
Les enseignants doivent-ils laisser leur sort et celui de l’enseignement entre les mains de ces agitateurs ?
En amont, cela voudrait dire que l’année blanche aura pour effet de priver les élèves de la 6e année du primaire de leur droit de passage en 1ère année de collège et, par conséquent, imposera à tous les autres élèves du cycle primaire de faire du sur-place, c’est-à-dire de refaire la même année. Plus haut encore dans la chaîne de l’apprentissage, il y aura aussi blocage des inscriptions en 1ère année du primaire.
Idem pour le secondaire: tous les collégiens et lycéens se trouveront dans l’obligation de refaire la même année! En aval, également, les enseignants du supérieur, du fait du blocage du second degré, n’auront pas de nouveaux étudiants en 1ère année universitaire ou devront se contenter des redoublants de l’année 2017-2018…
En somme, il s’agira d’un scénario inédit dont aucune des parties impliquées ne semble vraiment réaliser la gravité…
Revendications excessives et calculs politiques
Concrètement et matériellement, cela voudrait dire que deux ministères clés du gouvernement de Youssef Chahed, auxquels deux budgets ont été alloués au titre de l’année scolaire 2017-2018, auront tourné à vide, entièrement ou presque. Des enseignants, tous les niveaux confondus, auront préparé leurs cours, accepté la pénibilité de leur vocation et prodigué leurs savoirs… pour que, au bout compte, tout cela ne serve à rien.
Tout tombera à l’eau, également, pour les parents des élèves: ils auront investi dans les études de leurs enfants temps, argent, patience et attention que rien ni personne ne remboursera.
Les élèves, à des degrés de conscience et de sérieux différents, auront été soumis à des contraintes d’organisation, d’assiduité et de travail pour découvrir que tous ces efforts n’ont servi à rien…
Quel gâchis ce serait, pour toutes ces personnes-là, que cela finisse par une année blanche!
Pourtant, les choses sont d’une clarté indéniable: tout le monde s’accorde à reconnaître que les finances du pays ne permettent au ministère de l’Education de satisfaire les nombreuses revendications matérielles du SNES. Il ne s’agit pas de «diabolisation» du syndicat de Lassaad Yacoubi que de dire que les demandes excessives de l’organisation des enseignants du secondaire cachent mal un autre agenda. Il est permis de penser que, derrière cette pression forte du SNES sur le ministère de l’Education, il y ait celle qu’exerce l’UGTT pour que soit mis un terme au mandat du gouvernement Chahed 2.
Il n’y aurait donc, dans toute cette crise de l’enseignement secondaire, que cette affaire de confrontation entre la direction de la centrale syndicale et le chef du gouvernement, c’est-à-dire entre un certain populisme de l’UGTT, anti-FMI et anti-privatisation des entreprises nationales, et un gouvernement d’union nationale, tenu de mettre en œuvre des réformes nécessaires, de sauver le pays, bref, de faire le ménage…
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