Lors de l’examen du projet de clôture du budget pour l’exercice 2013, la «Troïka», coalition gouvernementale constituée des partis Ennahdha, Ettakattol et le Congrès pour la république (CPR), qui avait gouverné provisoirement le pays de 2012 à 2014, est rattrapée par sa mauvaise gouvernance.
Par Khémaies Krimi
Le député du Front populaire Mongi Rahoui, qui est en même temps président de la commission parlementaire des finances, de la planification et du développement, a révélé, vendredi 20 avril 2018, que «la commission a émis des réserves quant à la clôture du budget de l’Etat au titre de l’exercice 2013, et ce, après avoir décelé plusieurs défaillances dans la gestion». Il a ajouté que la commission a décidé de soumettre ses remarques à une séance plénière à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le débat promet d’être houleux.
Quant aux défaillances relevées, elles concernent, selon Mongi Rahoui, les recrutements, les nominations illégales, l’utilisation des finances publiques sans permission, la mise de véhicules administratifs à la disposition d’autres personnes que les ayants droit et la non-déclaration des informations relatives à la gestion du budget, conformément à la loi.
La Cour des comptes signale de nombreux dépassements
Ces réserves relayent les conclusions d’un rapport rendu public en février 2016 par la Cour des comptes sur ce même exercice budgétaire, qui avait, déjà, signalé d’importants manques à gagner et pertes pour l’Etat.
Ces pertes ont été enregistrées dans trois secteurs : transport, assurance-maladie et douane. Ils ont concerné des transferts d’argents illégaux, des recrutements non déclarés et une somme de 800 millions de dinars tunisiens (MDT) dépensée au titre du budget de l’année 2013, mais en l’absence de tout document y afférent.
Interpellé sur cette question quand il était ministre des Finances, en 2015, feu Slim Chaker a indiqué qu’il s’agissait du solde du montant de la recette de privatisation partielle de l’office Tunisie Telecom placé dans un compte spécial à la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Autres révélations de ce rapport de la Cour des comptes : les dettes de la Douane tunisienne ont atteint 4.041 MDT dont seulement 0,01% ont été remboursés, tandis que les dépenses douteuses de la Caisse nationale d’assurance maladie (régime public, privé et tiers payant) ont dépassé 155 MDT entre les années 2009/2013, ce qui constitue un manque à gagner pour l’assurance maladie dans un contexte de fort déficit.
Le rapport a signalé des dysfonctionnements au niveau de la compensation dont les dépenses ont doublé entre les années 2010 et 2013 pour atteindre 1.450MDT au titre de l’année 2013, soit 2% du PIB du pays.
Pour une culture de résultat
Cela pour dire que les réserves de la commission parlementaire, tout autant que les révélations du rapport de la Cour des comptes ne manquent pas d’enjeux en ce sens où c’est la première fois que les deux institutions (Assemblée et Cour des comptes) remettent en question un projet de loi sur la clôture d’un budget.
Au temps de Bourguiba et de Ben Ali, les projets de lois portant clôture des budgets faisaient l’objet d’informations courtes et insipides diffusées par l’agence Tap, sans aucun commentaire.
De telles pratiques ont consacré, des décennies durant, l’impunité des gouvernements et l’absence de reddition de comptes pour mauvaise gestion ou pour d’autres manquements aux règles de la bonne gouvernance.
Pourtant, la clôture du budget qui doit faire état de la conformité des projets budgétisés et le degré de leur réalisation, au cours d’un exercice donné, est une étape budgétaire aussi importante que les trois autres étapes, en l’occurrence, la conception, l’adoption par le parlement et son exécution par le gouvernement.
Dans le souci de conférer, dorénavant, aux comptes de l’Etat l’efficience et la transparence requises, nous ne pouvons que saluer l’émission de ces réserves car elles contribuent, un tant soit peu, à l’instauration de la culture du résultat chez les gestionnaires et au renforcement de la reddition des comptes.
Est-il nécessaire de signaler que le Conseil fédéral allemand (Bundesrat) s’est interdit, conformément à une loi adoptée en 2016 et complétant la loi sur «la règle d’or» adoptée en 1949, de voter la clôture de budgets en déficit ou comportant de graves dépassements.
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