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UE : Les dessous du quota supplémentaire d’exportation d’huile d’olive tunisienne

En octroyant à la Tunisie un quota supplémentaire d’exportation d’huile d’olive, l’Union européenne (UE) ne donne pas vraiment un cadeau à la Tunisie. Elle anticipe une baisse de production européenne et sert les intérêts de ses industriels du conditionnement de l’or vert.

Par Khémaies Krimi

L’événement a été créé en marge de la visite effectuée par le chef du gouvernement Youssef Chahed, le 24 avril 2018, à Bruxelles : l’UE a autorisé la Tunisie à exporter, en 2 ans, sur le marché européen, un supplément de 30.000 tonnes d’huile d’olive, en plus du quota réglementaire dédouané de 57.000.

Cette décision a été perçue par les analystes et les médias tunisiens comme un exploit. Et pourtant, à y regarder de près, ce n’en est pas un. Et pour cause : cela compromettrait le gouvernement tunisien, et ce, pour deux raisons.

Quant une bactérie tueuse sert les intérêts tunisiens

La première est que cette décision intervient, en prévision du recul de la production oléicole dans trois zones concurrentes de la Tunisie : l’Italie, l’Espagne et la Corse par l’effet, entre autres, de la bactérie tueuse d’oliviers, Xyllela Fastidiosa, bactérie contre laquelle aucune parade n’a encore été trouvée.

Cette bactérie, transportée par un insecte dénommé Philaneus Spumarius, qui injecte son venin dans les arbres, provoque leur dessèchement, leur mort et leur arrachage immédiat.

Début avril 2018, le Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse (Sidoc) a annoncé la détection pour la première fois de cette bactérie tueuse dans les oliveraies dans l’île française.

Quelque 10.000 hectares d’oliveraies sont menacés. En Italie, cette bactérie ravage, depuis 2013, les oliveraies du sud.

C’est donc en prévision de cette baisse de production que la Tunisie a été autorisée à combler l’éventuel déficit de production des oléiculteurs de ces zones. D’ailleurs, en 2015, la Tunisie avait déjà bénéficié, pour les mêmes motifs, de l’exportation sur l’Europe d’un supplément de 25.000 tonnes d’huile d’olive.

Des exportations à faible valeur ajoutée

La deuxième raison qui fait que l’exportation d’un supplément de 30.000 tonnes n’est pas un exploit et qu’elle va contribuer, au contraire, au bradage d’une huile d’olive tunisienne, réside dans le fait que les exportations de ce produit de terroir sont non-compétitives, pâtissent structurellement d’une faible valeur ajoutée et ne rapportent pas beaucoup de devises au pays.

Est-il indispensable de rappeler que ce produit, pourtant d’excellente qualité, comme le prouvent les trophées qui lui sont décernés à Tokyo, à Los Angeles, à Montréal, et ces derniers jours, à New York, à Athènes et à Paris, est exporté en vrac à bas prix (3 à 4 euros le litre), comme un vulgaire breuvage?

Pis, les externalités positives de ce produit sont exploitées par ces mêmes zones concurrentes affectées soit par la Xyllela Fastidiosa soit par des aléas climatiques (sécheresse). Conditionnée par ces concurrents, l’huile d’olive tunisienne se vend à 30 euros le litre et même plus.

C’est pourquoi nous estimons que la meilleure négociation à entreprendre avec l’Europe ne consiste pas à lui exporter le maximum d’huile d’olive en vrac mais à la convaincre d’aider la Tunisie à développer une véritable industrie de conditionnement de sa production d’huile d’olive. C’est seulement à ce prix qu’on parlera d’exploit de la diplomatie économique à mettre à l’actif du gouvernement tunisien.

La Tunisie doit prendre au sérieux la menace de la Xyllela Fastidiosa

D’ailleurs, au lieu de jubiler pour avoir obtenu ce quota supplémentaire de 30.000 tonnes, la Tunisie, pays oléicole depuis des siècles, est concernée par la prolifération de la Xyllela Fastidiosa. Pour se prémunir contre cette bactérie, notre pays a intérêt à déclencher, même à fonds perdus, un plan d’urgence.

Cela pour dire également que si les Européens, forts de leur puissance financière et intransigeance en matière de contrôle phytosanitaire, ne sont pas parvenus à contenir les dégâts occasionnés par la Xyllela en Italie et en Corse, que peut faire un tout petit pays comme la Tunisie si jamais cette bactérie tueuse traverse la Méditerranée?

Il convient de rappeler ici que cet insecte peut migrer facilement d’un pays à un autre, à la faveur des moyens de locomotion et de la mobilité des personnes.

Le risque est donc hélas très élevé d’autant plus que la Tunisie compte une importante colonie en Italie et en Corse. À titre préventif, il serait conseillé de procéder déjà à des prélèvements, d’intensifier le contrôle phytosanitaire aux postes frontaliers et de solliciter, à cette fin, la coopération de… l’Union européenne.

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