Les cinéphiles et les passionnés de documentaire étaient nombreux à assister aux projections proposées par la 12e édition du festival Doc à Tunis, tenue du 25 au 29 avril 2018.
Par Fawz Ben Ali
L’Institut français de Tunisie (IFT), la salle Le 4e Art et la Cité de la culture ont accueilli des projections de films récents et poignants, selon un programme concocté avec beaucoup d’exigence par l’équipe artistique de Ness El Fen qui organise chaque année en cette période printanière trois manifestations phares dédiées au film documentaire (Doc à Tunis), à la danse (Tunis capitale de la danse) et au débat (Al Kalimat).
«La programmation de cette année offre au public un voyage sans visa», déclare Syhem Belkhodja, la directrice artistique de l’association Ness El Fen.
En effet, Doc à Tunis nous a proposé cette année une sélection de films très éclectique mais dont le seul objectif est d’expérimenter le réel sous des formes artistiques et intellectuelles afin de susciter des débats fructueux à la fin de chaque projection.
»Southern Belle ».
Réfléchir ensemble sur le monde actuel
Le festival a frappé fort dès le premier jour avec une ouverture éclatée sur deux lieux et deux temps, offrant aux cinéphiles d’abord une projection inédite du documentaire français ‘‘Southern Belle’’ de Nicolas Peduzzi qui venait à peine de sortir en France où il a raflé les meilleures critiques. Il s’agit d’un portrait d’une jeunesse désemparée, à savoir l’héritière de l’un des plus grands exploitants des Etats-Unis. Jeune, belle et richissime, Taelor Ranzau a tout pour mener une vie de rêve mais son quotidien est une vraie descente aux enfers, ponctué de doutes, de délires et de crises.
‘‘Makala’’.
Le même jour, de l’autre côté de l’avenue de Paris, le festival proposait une autre projection tout aussi bouleversante, celle de ‘‘Makala’’ d’Emmanuel Gras, un autre portrait aux antipodes du premier. Après l’Américaine née avec une cuillère d’argent dans la bouche, on part au Congo pour suivre la lutte d’un jeune villageois qui n’a d’autres issus pour faire vivre sa famille que de vendre du charbon. Dans ce film auréolé du grand prix de La Semaine de la critique à Cannes, on voit de près l’endurance et la misère extrême de beaucoup d’africains dont certains gardent toujours une lueur d’espoir dans les yeux.
La programmation de ces deux films le jour de l’ouverture n’a évidemment pas été fortuite car le contraste souligné par ces deux drames ne peut qu’imposer une réflexion sur notre monde actuel et les inégalités qu’il ne cesse de creuser, notamment entre le nord et le sud.
‘‘House in the fields’’.
Un cinéma engagé
Le lendemain, le public avait rendez-vous avec ‘‘House in the fields’’ de la cinéaste marocaine Tala Hadid qui n’a pas pu venir pour présenter son film mais qui a tout de même tenu à laisser un message enregistré au public tunisien, évoquant les conditions de tournage où elle devait vivre pendant des mois avec une famille d’une communauté isolée dans la région sud-est du Haut-Atlas du Maroc.
Tourné entièrement en langue Tamazight, son film est présenté comme la première partie d’une trilogie documentaire sur le Maroc. À travers le portrait de deux filles dont l’une devait quitter l’école pour se marier, ‘‘House in the fields’’ questionne la place de l’individu et plus précisément la femme rurale face aux changements sociopolitiques du pays.
Amina Sbouï dans ‘‘Au-delà de l’ombre’’.
La journée du vendredi était marquée par la projection d’un film tunisien très attendu, il s’agissait de ‘‘Au-delà de l’ombre’’ de Nada Mezni Hfaïedh qui avait décroché le Tanit de bronze lors des dernières Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2017). «Doc à Tunis a toujours le courage de montrer d’autres visages des Tunisiens», a lancé Syhem Belkhodja en présentant le film.
Protagonistes du films ‘‘Au-delà de l’ombre’’.
À l’occasion de cette projection spéciale, les protagonistes du film, notamment l’activiste féministe Amina Sbouï et certains militants appartenant à la communauté LGBT étaient présents pour débattre avec le public qui était réceptif au film malgré le grand tabou qu’il traite, à savoir les orientations sexuelles non normatives et la question du genre en Tunisie.
Le film suit le quotidien d’Amina Sbouï et de ses amis homosexuels et transsexuels qu’elle héberge chez elle après avoir été rejetés de leurs familles. Un quotidien sur lequel prennent le dessus les passés meurtris, les rêves écrasés et un grand sentiment d’abandon et d’insécurité face aux lois qui les condamnent et au climat homophobe qui les entoure. Peur, violences quotidiennes, tentatives de suicide … telle est la réalité que peint ce film dont certaines scènes ne manquent tout de même pas d’humour et de beaucoup d’amour.
Syhem Belkhodja.
Avec la projection de ‘‘Relève : Histoire d’une création’’ de Benjamin Millepieds, autoportrait d’une figure internationale de la danse contemporaine, Doc à Tunis a pris fin, dimanche 29 avril, annonçant le début de la deuxième manifestation Tunis capitale de la danse, qui coïncide avec la Journée mondiale de la danse.
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